Les recruteurs seraient sans doute souvent surpris s’ils pouvaient lire dans les pensées des candidats pour connaître leurs véritables attentes vis-à-vis du travail. Ils peuvent en avoir une première idée en prenant connaissance de la grande enquête « Quel travail voulons-nous ?», initiée par Radio France auprès d’environ 10000 auditeurs, et publiée en janvier 2012*.
Les préoccupations salariales, pourtant au centre des revendications salariales, apparaissent finalement comme assez secondaires, au regard des différents témoignages. Principales attentes exprimées : « un travail qui permet de continuer à apprendre » (48%), « un travail qui donne l’impression de réussir quelque chose » (40%). Pour Dominique Méda, sociologue, ces réponses confirment que les « attentes expressives » prennent le pas sur les attentes matérialistes. Le travail doit être avant tout source d’épanouissement personnel.
Lorsqu’ ils évoquent leurs difficultés concernant leur vie au travail, les salariés citent à 48% « l’absence de perspectives en terme d’évolution de carrière et de salaire », à 38% « le manque d’effectifs » et à 35% « l’obsession de la rentabilité ».
Difficultés que l’on pourrait traduire par « je ne peux pas me projeter dans mon travail et mon entreprise », « je dois faire plus avec moins » et « je dois être performant au détriment du sens. »
Or c’est avant tout le sens du travail que les salariés plébiscitent et revendiquent comme le véritable moteur de leur motivation. Invités à proposer des solutions et des remèdes, les personnes interrogées expriment leurs priorités. La première d’entre elles est difficilement audible pour les dirigeants : pour 24%, il est nécessaire « d’arrêter la course à la rentabilité et à la productivité ». Près d’un cinquième des répondants plaide pour « permettre aux gens de travailler mieux et tous » et « prendre le temps de faire un travail de qualité ». « Rendre le travail plus humain » est mis en avant par 16% des personnes, alors que « augmenter les salaires », « permettre aux salariés de participer aux décisions, ne sont cités que par moins de 10% des auditeurs interrogés.
S’il fallait ne retenir qu’un seul enseignement de cette enquête, c’est le duo gagnant qui fédère près de la moitié des répondants : stopper la course à la rentabilité et tenter de faire un travail de qualité. Deux notions que beaucoup de dirigeants considèrent, à tort, comme incompatibles. Pourtant, tant les réponses que les commentaires qui les accompagnent expriment fortement le rejet de ce que le philosophe Yves Schwartz appelle « la gestion à la calculette ». Une gestion encore très prégnante dans le management à la française, alors que le bien-être des salariés, ou « well being », « c’est bon pour le business », comme l’exprime dans l’enquête le DRH d’une grande entreprise de téléphonie finlandaise. Le psychiatre Patrick Légeron insiste également sur la nécessité d’intégrer dans le travail des émotions positives, comme le plaisir, là où aujourd’hui prédomine la peur. « L’émotionnel intelligent » contribue fortement à la performance de l’entreprise.
Laissons le mot de la fin à Inès, 44 ans, DRH, qui a publié un très beau témoignage dans l’enquête : « Je pense que les trois principaux leviers du bien-être au travail sont le sentiment d’appartenir à une équipe, le sentiment d’être utile et la fierté de ce qu’on accomplit ».
*L’ensemble des témoignages analysés par la sociologue Dominique Méda, le philosophe Yves Schwartz et le psychiatre Patrick Légeron sont publiés dans un livre « Quel travail voulons-nous ? » coédité avec les éditions Les Arènes.