Aujourd’hui sur Facebook, on accède à des milliers de profils tout sourire, joyeusement étalés sous les yeux de tous, et pourquoi pas de quelques consultants de cabinets de recrutement ou recruteurs en entreprise qui n’en demandaient pas tant... Facebook, c’est en effet une mine de renseignement sur des profils hyper attractifs, jeunes, sympas, bien formés et up to date.
Ainsi, à travers le dévoilement plus ou moins partiel de sa vie privée, le Facebooker peut avoir l’agréable surprise d’être chassé par un cabinet ou par le recruteur d’une entreprise. Tant mieux pour lui ou pour elle... Mais que se passe-t-il si j’appartiens à un groupe communément victime de discriminations à l’embauche ; si je suis noir, ou arabe, ou handicapé ou senior, et que je le revendique sur ma page Facebook ? Qui peut m’assurer que je ne serai pas victime - sans même m’en rendre compte - d’une lecture discriminatoire des renseignements que j’ai fournis ?
Ainsi, alors que l’on parle à longueur de colonnes de journaux, jusque dans les couloirs de l’Assemblée Nationale, de cv anonyme, de testing, comme autant de moyens destinés à réguler le travail de recrutement, voilà que fait irruption dans les possibles processus de recrutement une sorte d’épouvantail ; un genre de far-west où plus aucune règle (ou si peu) n’a lieu d’être.
Ne nous laissons pas abuser par le côté « cool » du web. Même si sans doute sur Facebook, plus qu’ailleurs, la diversité est une chose acquise dans les esprits, qui peut assurer qu’il n’y a pas, niché dans quelque réflexe de recruteur, une attitude discriminatoire ? Par ailleurs, si Facebook investit à terme toutes les strates de la population - ou une large part - la question de la discrimination se posera de façon toujours plus aiguë.
Je ne suis pas en train de m’abandonner à quelque état d’âme. Premièrement, rappelons que nombre d’enquête faisant autorité atteste de l’existence de pratiques discriminatoires.
Deuxième point, on ne peut plus clair celui-là : dans le cadre d’un recrutement, il est tout simplement interdit d’écarter un candidat au motif de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille (grossesse), de l'appartenance ou la non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme, ou encore de son état de santé ou handicap.Je cite ici l'article L 122-45 du code du travail.
Sur Facebook tout y est : genre, âge, profession et même la sensibilité politique et la religion. Certes, il n’est pas dans les habitudes françaises de dévoiler ces dernières, et les Facebookers français d’ailleurs, ne renseignent généralement pas ces rubriques. Mais qu’importe ! Si un recruteur devait sélectionner des profils issus de Facebook en fonction de l’âge du sexe, ou de la couleur de peau, cela constituerait une discrimination.au regard de la loi.
Que faire alors pour les cabinets de recrutement ? S’interdire d’aller sur Facebook alors que les profils y sont attractifs, que la pénurie des compétences menace, que la compétition s’accroît entre cabinets ? Sûrement pas. Il serait naïf de « décréter l’impossible » !
Je pense en revanche qu’il est urgent, pour nous, recruteurs en entreprise et cabinets de recrutement, de rapprocher les préoccupations éthiques qui investissent aujourd’hui notre métier, de ces nouveaux outils web qui, eux, naviguent encore dans un océan d’innocence réelle... ou feinte.
Il est fondamental que les recruteurs investissant cet espace où ils ne sont pas à l’origine « invités », fassent preuve d’une déontologie, d’une éthique sans faille dont il convient de délimiter les contours. Qu’ils n’oublient jamais que ce médium rend public des habitudes de comportements et de socialisation autrefois cantonnées à la sphère privée.
Une réflexion professionnelle collective devrait s’amorcer sur ce sujet. A chacun d’apporter son point de vue. Voici en tout cas, pour l’heure, le mien.
En attendant, il serait bon que les utilisateurs soient davantage mis en garde par l’usage que peuvent faire de leur profil Facebook les cabinets de recrutement ; ce qui n’est pas fait. Pour le moment, la fonction « privacy » n’est pas assez mise en avant afin d’être utilisée comme elle le devrait.
MAJ 1 : A lire aussi, ce très bon billet de Christian Malécot sur Jobetic.
MAJ 2 : A lire également le billet très intéressant de Jacques Froissant qui réagit à cette question.
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