Chacun, dans les médias, a pu entendre parler du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires de France) au travers de différents débats assez passionnés. Je pense bien sûr à la question des statistiques ethniques qui intéressent aujourd’hui les RH, mais aussi à l’affaire du « dictionnaire le Robert » (ici et ici) ou à la question de la censure de « Tintin au Congo » (là et là).
Mais au fond, qu’est-ce que le CRAN ? Créé le 26 novembre 2005, cette fédération réunit désormais 130 associations*, petites et grandes, principalement d’inspiration africaine ; l’outre-mer étant plutôt représentée par le Collectif dom.
Dans ses statuts, le CRAN se donne pour objectif de « lutter contre les discriminations et le racisme anti-noir, et de valoriser la richesse et la diversité des cultures afro-antillaises ». Par ailleurs, le CRAN se défend d’être communautariste au profit d’une conception universaliste.
J’ai croisé Patrick Lozès, son président, le 22 octobre à l’occasion de son intervention dans notre cycle de conférence « A Compétence Egale » **. Très gentiment, il a accepté de se prêter au jeu de l’interview :
Pourquoi le CRAN ? Un événement particulier a-t-il conduit à sa fondation ?
PL : Nous avons créé le CRAN en raison du risque d’explosion sociale ; les émeutes urbaines (de novembre 2005) nous poussant à accélérer sa création.
Quelle est exactement la vocation Du CRAN ?
PL : La vocation du CRAN est de rendre visibles les discriminations raciales pour permettre de lutter contre elles.
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
PL : La société française a été méfiante et injuste envers le CRAN. Elle a pensé que nous voulions « moins de République » alors que nous portons haut ses valeurs d’égalité et de fraternité.
Du point de vue de l’entreprise, comment envisagez-vous la lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité ?
PL : La diversité c’est bon pour le business ! Les entreprises qui l’ont compris sont en avance sur la société française et en plus elles sont performantes. Quant aux autres….
Que pensez-vous de la « mesure » de la diversité ?
PL : C’est indispensable ! Si vous ne savez pas combien il y a de femmes à l’Assemblée nationale, comment savoir si la parité est respectée ? Idem pour les entreprises.
Quels sont exactement les modes d’action du CRAN ?
PL : Nous sommes tournés vers les résultats. Notre action est plus mobilisatrice que moralisatrice. Nous engageons les entreprises et les institutions à lutter activement contre les actes volontairement ou involontairement discriminatoires.
Comment interprétez-vous l’évolution du contexte légal, et quelles sont vos attentes ?
PL : La France est aujourd’hui mûre pour accueillir avec sérénité ces questions sur la discrimination. Ce pays n’aime pas les injustices et corrigera plus facilement les discriminations si elles sont rendues visibles. En la matière, la légalisation probable des statistiques dites ethniques est une réelle avancée.
Quelle est votre actualité en quelques mots...
PL : Le CRAN vient d’être reconnu « organisme d’intérêt général » et les statistiques de la diversité (notre grande revendication) sont en cours de légalisation.
Merci encore à Patrick Lozès pour ses réponses ! Je ferai part de ma position sur le sujet des statistiques ethniques lors de prochains billets.
* source CRAN
** "A compétence égale" est l’association de lutte contre les discriminations dont je suis président