Le Monde revient sur la question de l’emploi des seniors à travers un article de Marie-Béatrice Baudet et un intervention de Christine Lagarde, ministre de l’Economie, en voyage à Rabat : celle-ci a rappelé l’intention du gouvernement de repousser l’âge de dispense de recherche d’emploi, au delà des 57 ans et demi actuels.
Cela dit, quel fossé entre le discours et la réalité ! Il ne suffit pas de décréter le retour des seniors chômeurs pour en faire des « embauchés », des salariés.
Comme le rappelle fort justement l’article, on touche à un vrai problème culturel : les seniors ne sont pas les bienvenus dans nombre d’entreprises et ce, tous secteurs confondus, semble-t-il.
Dans l’esprit de beaucoup, embaucher un senior, c’est devoir payer plus cher une expérience suspectée de n’être pas en phase avec les besoins d’une entreprise nécessairement tournée vers l’avenir. C’est faire bien peu de cas de l’adaptabilité de nombre de seniors. Celle-ci existe, elle ne demande qu’à s’exprimer ! Des mots ? Nullement.
Allez voir du côté du Japon, de la Suède ou du Danemark, regardez quels sont les dispositifs d’accompagnement des seniors au chômage et vous comprendrez mieux pourquoi, dans ces deux pays, le taux d’emploi dépasse largement celui de la France et de la plupart des autres pays occidentaux ayant choisi d’exclure leurs « vieux ». Au Danemark en 2005, on compte 69% des 55-64 ans au travail ; au Japon 63% ; en Suède 60% ; contre... 37,8% en France (42,5% moyenne UE).
Si la politique d’aide au chômeur diffère énormément du Japon où les indemnités sont faibles, et du Danemark et de la Suède où elles restent élevées, leur point commun est bel et bien d’offrir au senior un véritable arsenal d’outils de retour à l’emploi.
Evidemment, les raisons de ce fort volontarisme politique diffèrent entre ces pays : tradition de l’Etat-providence pour les scandinaves (mais pragmatisme pourrait-on ajouter, concernant les moyens déployés pour l’employablité) et cruelle réalité démographique pour le Japon qui, de nation industrielle la plus jeune durant l’après-guerre, est passée à celle de plus âgée. Les Japonais devaient faire face, coûte que coûte à ce vieillissement massif ; il fallait à tout prix proposer de l’emploi à des seniors menacés par un chômage massif et des retraites étiques. Pari réussi, visiblement – même si je réserve mon jugement quant au « bonheur professionnel » de ces seniors japonais.
Mais revenons en France. Le phénomène de vieillissement dans lequel nous entrons avec le papyboom nous conduira-t-il – sous la contrainte - à faire le même constat que les Japonais ? Quoiqu’il en soit, j’ai le sentiment qu’il nous faut une sorte d’électrochoc pour qu’enfin nous fassions œuvre d’imagination et de mobilisation ; pour qu’une véritable politique s’attache à améliorer l’employabilité des travailleurs âgés, en épanouissant si possible la fin de carrière, afin de déployer tous les talents des seniors, faisant de leur expérience un « miel » utile, vital même, pour une société française qui se sclérose par manque d’échanges intergénérationnels...
Au delà de cet impératif d’employabilité, je vois là aussi une opportunité pour lutter contre les discriminations dont sont victimes les seniors ; un moyen de faire évoluer les représentations, de briser les stéréotypes au sein de l’entreprise.
En un mot, je veux croire que le vieillissement de la population saura rendre les entreprises raisonnables...
A lire cette étude un peu ancienne mais très complète de la DARES en 2006. Cet article de l'observateur de l'OCDE. Cette étude Eurostat.
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