Le club Pangloss... Vous ne connaissez sans doute pas. Il s’agit d’un organe émanant de la Fondation Nationale Entreprise et Performance. Chaque année, une poignée de cadres de haut-niveau des secteurs privés et publics sont sélectionnés par le club Pangloss et « planchent » sur un sujet. Ils ont ainsi travaillé durant l’année 2007 sur le thème : « Faire de la diversité un atout économique » et j’ai eu le plaisir d’être interviewé par eux, au même titre qu’une cinquantaine d’experts en France, en Europe, au Québec ou encore à Singapour.
Autant le dire tout de suite : c’est un très beau travail. De synthèse, tout d’abord. Les solutions évoquées sont certes connues, mais elles ont le mérite d’être ici rassemblées. A travers l’observation de ce qu’est la diversité dans plusieurs pays, l’ouvrage dresse en outre un panorama que je qualifierais de « distancié » par rapport à ce sujet qui, trop souvent, est appréhendé dans ses limites hexagonales, donnant lieu à des crispations (sur les liens entre République et communautarisme, sur la laïcité etc) que l’on relativise en observant les pratiques d’autres pays. Attention, je ne dis pas qu’il faut ignorer les spécificités françaises et ses exigences ; il est simplement nécessaire pour la compréhension du débat sur la diversité, de ne pas les « dramatiser ».
Mais le propos le plus passionnant de ce petit ouvrage, c’est encore la façon dont les auteurs tentent d’établir un pont entre diversité et performance économique.
- Approcher la diversité à travers ses perspectives économiques
Je me suis moi-même exprimé longuement dans mon dernier livre (« Prévenir la discrimination à l’embauche ») sur la corrélation - avérée par plusieurs études - entre ces deux notions, mais tout le mérite des auteurs est de lister l’ensemble des éléments autorisant la mise en place de politiques concrètes. Avec un préalable intéressant, qui renverse l’approche traditionnelle - disons sociétale - au profit d’une approche économique.
Ainsi, selon les auteurs (p16), il faut « prendre en compte toutes les interprétations et les définitions possibles du concept de diversité, si l’on veut réellement ouvrir des perspectives économiques. C’est pourquoi l’on parlera de perspectives économiques de la diversité, dès lors que l’on donne l’accès aux femmes à des métiers historiquement masculins, lorsque les politiques publiques prennent en compte l’accès et l’intégration dans la société aux minorités, ou encore lorsqu’une entreprise prend des mesures de conciliation envers ses employés seniors ainsi qu’envers ses salariés handicapés. » Très concrètement, cela passe par toute une série de mesures évoquées dans le livre
- La diversité, un enjeu sur le très long-terme
L’autre point saillant, à mon sens très intéressant, est l’objet d’une préoccupation déjà ancienne chez moi : la diversité n’est pas un combat qui se gagne en une manche. Les hold-up sociologiques, ça n’existe pas ! La diversité est un concept qui questionne, interpelle, je dirais même qui « fouille » nos identités, nos représentations, nos habitudes, or les processus de mutation d’un adulte sont très lents, les changements sont limités, voire infinitésimaux. C’est pourquoi l’enjeu de la diversité engage plusieurs générations et nécessite d’agir sur le très long-terme.
Les auteurs du rapport résument très bien cela : « Malgré quelques décennies d’avancées sociales et législatives cruciales en matière de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, le débat sur la diversité ne fait que commencer et il faudra du temps pour que ce concept soit bien intégré dans les systèmes politiques, économiques et sociaux des différents pays. » Oui, en effet, le combat sur la diversité, bien qu’il tienne une place dans le débat public et les médias, n’en est qu’à ses débuts. Il y a loin entre le lecteur de journal « sensibilisé » à une cause et ce même individu qui continue à appliquer, sans même s’en rendre compte, des préjugés discriminant envers son entourage professionnel, amical ou même familial (vis-à-vis de son épouse par exemple !).
L’autre grand mérite des auteurs est donc d’avoir réfléchi en profondeur sur les moyens dont nous pourrions agir sur les mentalités, tant du côté des discriminants que des discriminés. Ils ont indiqué de belles pistes, en particulier :
- inscrire dans le parcours scolaire la reconnaissance et le respect de l’autre
- aider à l’acquisition des codes sociaux pour trouver un emploi via les organismes de formation
- proposer des formations et coaching pour permettre aux nouveaux salariés de changer les comportements discriminants dans l’entreprise.
- développer les relations interpersonnelles au sein des organisations, fondées sur l’entraide, l’échange de pratiques, via les outils du web
- faire évoluer l’organisation du travail selon le mode projet qui encourage l’ouverture et l’emploi de profils plus divers
Enfin, je ne peux m’empêcher de citer quelques autres propositions, notamment celle-ci :
- Faire aboutir le débat sur la mesure des discrimination et engager une politique de mesure compréhensible par tous.
Il me paraît en effet urgent et nécessaire de clore cette question une bonne fois pour toute, en aménageant les modalités qui conviennent.
Voici le lien qui vous permettra de télécharger le rapport.
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