Aux dernières nouvelles, Facebook a dépassé les 6,5millions de membres. C’est un véritable réservoir de compétences pour un acteur du recrutement et qui plus est, pour un job board.
Voilà donc que Cadremploi et Keljob - groupe Adenclassifieds - proposent chacun une application dédiée à l’emploi sur Facebook et ce, avec une double entrée :
D’une part les entreprises clientes des deux job board peuvent rendre visible leurs offres (via leur code client) sur le réseau social.
D’autre part, les membres de facebook peuvent embarquer l’une ou l’autre des deux applications et se constituer une alerte sur tel métier, tel secteur géographique etc.
Est-il utile d’expliquer l’intérêt pour l’entreprise et le candidat ?
Pour l’entreprise, Facebook est évidemment un moyen très efficace (sans supplément de coût il me semble) de rendre encore plus visible son annonce. Dans le domaine particulier de l’emploi cadre, Facebook offre de surcroît des profils tout à fait en adéquation. Il y a en outre un bénéfice d’image – Facebook est up to date. Mais surtout, l’entreprise s’avance un peu plus le quotidien du candidat potentiel à travers cette approche ; il faut savoir en effet que 50% des utilisateurs de Facebook se connectent au moins une fois par semaine (Ifop dec. 2008).
Pour le candidat, l’intérêt est bien sûr de voir passer des annonces via des alertes directement sur le site qu’il fréquente au quotidien. Si l’on imagine que le flux d’annonce le satisfait, il n’a plus besoin (en théorie) d’aller voir ailleurs, de surfer sur tel ou tel site d’emploi. Tout arrive sur sa page profil. Ce sera encore plus vrai le jour où l’ensemble des acteurs du recrutement (job board, cabinets, entreprises) proposeront de telles applications. Bref, c’est un gain de temps pour lui.
Passons à ce qui pose problème...
Si Facebook devient un lieu de recrutement majeur, avec toute sorte d’applications se rapportant au recrutement, les candidats potentiels, et les demandeurs d’emplois tout particulièrement, seront vraisemblablement nombreux à s’inscrire sur le site.
Or, comme chacun sait, Facebook fonctionne sur le mode de l’empathie. Pour « exister » sur ce réseau social, il faut enrichir son profil, se créer des amis ; un candidat simplement séduit au départ par les applications recrutement se sentira obligé de jouer le jeu, surtout s’il sait qu’en plus, des recruteurs peuvent le « sourcer ».
C’est sur ce point précis que se pose un éventuel problème de discrimination que j’ai personnellement pointé en novembre et décembre 2007. J’écrivais alors :
« que se passe-t-il si j’appartiens à un groupe communément victime de discriminations à l’embauche ; si je suis noir, ou arabe, ou handicapé ou senior, et que je le revendique sur ma page Facebook ? Qui peut m’assurer que je ne serai pas victime - sans même m’en rendre compte - d’une lecture discriminatoire des renseignements que j’ai fournis ? »
Comme il est tout à fait impossible sur Facebook de masquer son identité en ne mettant en valeur que ses compétences - la politique de Facebook est de lutter contre les avatars et autres personnes anonymes – il reste à sensibiliser, mieux, à former - et de toute urgence ! - les recruteurs face à ces nouveaux canaux ; il faut les former à pratiquer le recrutement de façon non discriminatoire, en suivant les bonnes pratiques.
Il faut leur rappeler que tout intégration de données personnelles sur un candidat - par exemple accessible sur Facebook - dans ses fichiers doit se faire avec l'accord de celui-ci. Le candidat ayant en outre un droit d'accès et de rectification, principe défini par la loi Informatique et Liberté.
Pour résumer, notre responsabilité au niveau des entreprises et des cabinets de recrutement est d'aviser le candidat à être prudent sur la "maîtrise" de sa communication et de ses données privées ; notre association A Compétence Egale étudie une action à ce sujet.
Bien sûr, techniquement, les applications Cadremploi et Keljob ne sont pas directement concernées par mon propos, mais je crois que leur venue sur Facebook, au demeurant très intéressante, peut contribuer à faire du réseau le lieu de tous les recrutements et par là, celui de tous les dangers en terme de discrimination.
Plus nous « sociabiliserons » le recrutement, plus il faudra avancer rapidement dans la lutte contre les discriminations car dans le cas inverse, nous pourrions courir le risque de produire quantité d’injustices avec les conséquences sociales que l’on imagine.
A propos des applications Facebook Cadremploi Keljob, articles sur le Monde Informatique, O1Net, Indice RH.
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