Du 16 au 29 mars dernier, Monster a mis en ligne un sondage avec pour seule et unique question : « Au cours de vos expériences professionnelles, avez-vous été témoin de pratiques discriminatoires ? »
2200 internautes (ne pouvant voter qu’une fois) ont répondu. Bien entendu, on ne peut estimer qu’il s’agit là d’un échantillon représentatif de la population salarié, mais quand je vous dirai que le sondage indique que 69% des répondants estiment avoir été témoins de pratiques discriminatoires dans leur environnement professionnel, je suis certain que vous penserez comme moi : nul besoin d’échantillon représentatif pour se convaincre qu’il y a vraiment un problème discriminatoire en France !
La réalité est bien celle-ci : chaque jour, en France, dans de petites ou grandes entreprises, partout sur le territoire, des pratiques discriminatoires ont cours, qu’elles concernent le recrutement ou plus banalement la vie quotidienne. Imaginons le lot de décisions prises chaque jour dans les bureaux entachées de discrimination : « Untel pour ce poste de commercial ? Non, c'est un noir, vous n'y pensez pas. » ; « Unetelle pour prendre en main le projet ? Non, c’est une femme, il faut un homme à poigne, et c’est une mère de famille » ; « Untel pour manager l’équipe ? Beaucoup trop vieux ! » ; « Unetelle pour la direction de la communication ? Impensable, avec son fauteuil roulant... » ; « Untel au poste de Directeur Général ? Il est très bon, le seul problème étant qu’il est homosexuel. »
Il y a quelques années, Philippe Sollers évoquait dans un éditorial célèbre, la « France moisie ». Je reprends l'expression à mon compte ; pire que moisie, cette France-là qui cultive tranquillement ses champignons ; des champignons qui sont autant de préjugés.
A l’heure où l’on parle de mesurer le niveau de discrimination dans ce pays, ce sondage en ligne a le grand mérite de nous éclairer sur l’impérieuse nécessité de « faire quelque chose » pour en finir enfin avec toutes les discriminations (par l’origine, le sexe, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle) qu’elles soient rampantes ou affichées. Mesurer les discriminations nous permettrait de tout mettre enfin sur la table en plaçant les gens face à leurs responsabilités.
- En attendant, nous avons passé ce premier semestre 2009 à continuer le bavardage par tribunes interposées... Nous avons un peu trop tendance à oublier la souffrance, réelle, quotidienne, qu'engendre la discrimination tandis que nous discutons, débattons à force de tables rondes et de conférences dans des lieux - prestigieux - où règne une parfaite civilité, où l'on ne perçoit pas la moindre ombre de ce réel qui, de l'autre côté du périphérique et par-delà, vers tout l'hexagone, diffuse son poison...
Mon propos n'a rien d'anti-intellectuel, mais gardons bien à l'esprit que derrière les concepts républicains un peu abstraits, des gens, chaque jour, souffrent de discriminations. Il y a urgence !
Je vois personnellement deux urgences :
- sortir enfin du bois, et annoncer les chiffres (autant dire l’évaluation des dégâts comme on le ferait d’une catastrophe naturelle) de la discrimination : tant par le genre d’initiative de Monster que par des outils performants tels que Yazid Sabeg les envisage ;
- sur la foi de ces chiffres, éduquez les dirigeants et l’ensemble des salariés ; déconstruire leurs préjugés, ouvrir leur horizon...
Il est vraiment temps de passer à l’action et cesser de débattre à n’en plus finir !
update : un sondage paru dans Le Monde vient tout juste d'indiquer que 63% des Français sont favorables "aux enquêtes statistiques sur le ressenti d'appartenance pour mesurer la diversité et mieux connaître la diversité".
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