Ce n'est plus un coup de canif dans la si paisible et si consensuelle "bûche de Noël de l'entreprise", c'est un coup de hache ! Que dis-je, on y va à la tronçonneuse ! Altedia vient de publier les résultats d'un sondage commandé à TNS Sofres auprès de 1005 salariés en octobre dernier. L'objet ? Prendre le pouls de la perception qu'ont les salariés des entreprises en général ; et de la leur en particulier. Et ce n'est pas bon du tout !
Que faut-il en retenir ? Les salariés se montrent désabusés et le désenchantement - O combien plus profond que le simple désabusement - guette... Les seniors sont les plus remontés. Seules les TPE s'en sortent honorablement, tandis que les grands groupes - et l'administration - passent pour être les moins reconnaissants à l'encontre de leurs salariés. Quant aux cadres, ils résistent un peu mieux aux sirènes de la morosité, mais commencent à leur tendre l'oreille...
Quelques chiffres glanés ici et là dans le compte-rendu de ce sondage :
- 84% des sondés pensent que l'intérêt des dirigeants de l'entreprise ne va pas dans le même sens que celui des salariés. Ils sont seulement 16% à estimer que les intérêts sont convergents. Concernant plus précisément les cadres, on obtient un 50/50 qui n'est pas franchement folichon...
- La taille des structures semble être un élément important. 61% des salariés de TPE (moins de 10 salariés) estiment que les intérêts de leur "patron" vont dans le même sens que les leurs. C'est plutôt positif. Ca se gâte vraiment pour les grands groupes avec un taux réduit à 27%...
- Lorsque je parle de désenchantement, c'est aussi dû au fait que les syndicats ne représentent pas aux yeux de ces salariés un recours : 53% des sondés ont une attitude de défiance à leur égard.
- Intéressante aussi, la perception de mots-clés ou "valeurs" liés à l'entreprise. Comme on s'y attendait, "mondialisation" ramasse le plus mauvais score (73% d'opinions négatives) ; mais également "capitalisme" (72%). Tandis qu'à l'inverse, les notions de "partage", "solidarité" et "mutualisme" évoluent vers les 80% d'opinions positives. Quoi de plus logique pour ces dernières... Cela dit, on peut s'étonner du simplisme des mots-clés "capitalisme" et "mondialisation" suggérés par l'enquête. S'il est évident que si le capitalisme financier doit être régulé, on ne peut nier que le capitalisme industriel et commercial ont fait et continuent de faire la prospérité des sociétés dites modernes. La mondialisation, elle-même, ne forme pas un "tout" homogène qu'il conviendrait de rejeter ou d'embrasser. Cela dit, l'intérêt de ce sondage reste bien de prendre la température des perceptions (et donc aussi parfois des clichés) qu'ont les salariés de l'entreprise, du "capitalisme" et de la "mondialisation".
Une nostalgie cachée du capitalisme traditionnel, à "l'ancienne" ?
Au bout du compte, ce qui semble se dessiner en creux, à travers la célébration des valeurs d'échange et de solidarité, c'est une sorte de capitalisme familial idéalisé ; des PME ou TPE accessibles où la vertu de chacune et chacun est reconnue - ce qui n'exclue pas à mon sens la mondialisation des échanges via l'export.
Sans surprise, le capitalisme financier et celui des grands groupes souffre en revanche d'une image déshumanisée. Pour autant, je m'étonne que les salariés semblent oublier les avantages inhérents au fait d'être salariés dans un grand groupe (ne serait-ce que par le comité d'entreprise) alors que les salariés de PME et plus encore de TPE ne disposent pas d'autant de "privilèges".
Mais plus encore que la dimension matérielle des statuts des un(e)s et des autres, c'est bien de communauté de valeurs dont nous parlons dans ce sondage. Ou plutôt "d'incommunicabilité de valeurs"; Ainsi :
- 36% des salariés (d'entreprises de + de 500 personnes) ont globalement un "sentiment négatif" à l'égard de leur employeur. Il est question de "déception" mais aussi de "méfiance" et de "lassitude", des notions toutes à la hausse par rapport à "l'avant-crise". Tandis que les sentiments positifs ("attachement", "confiance" et "fierté") sont tous à la baisse. Les cadres sont certes un peu plus "positifs" que les ouvriers. Si l'on prend les tranches d'âges, les quinquagénaires se montrent les plus "négatifs" (déception, lassitude).
- Un point étonnant toutefois, le stress au travail est relativement minoré par les sondés. 70% des cadres se disent satisfaits de leur niveau de stress (à noter que l'enquête s'est pourtant déroulée en pleine crise France Telecom-Orange)
Trois leviers possible pour redresser la barre
- Si la plupart des salariés se montrent plutôt inquiets ou circonspects sur leur perspectives d'avenir (surtout les ouvriers), ils sont 50% à se dire prêts pour s'investir... afin de gagner plus. Les quinquagénaires sont là encore, en retrait (seulement 38%).
- On s'aperçoit aussi qu'il faudrait agir en finesse, au cas par cas ; 57% des salariés (qui par ailleurs se disent en manque de reconnaissance) réclamant de l'accompagnement individuel et non collectif.
- Quelles solutions ? Améliorer les conditions du dialogue. De tous les dialogues ; dialogue "horizontal" ou "oblique" entre salariés, dialogue "vertical" avec les managers-employeurs. L'avenir dira à cet égard si les réseaux sociaux d'entreprise "collaboratifs" seront aptes à répondre à cette demande sociale.
Chacune et chacun l'aura compris : les Ressources Humaines sont au coeur même des enjeux qui touchent l'entreprise. Elles acquièrent même une dimension purement stratégique, voire existentielle pour celle-ci. En effet, c'est la question de la cohésion même des équipes autour d'un managériat qui est ici posée ; et c'est au bout du compte la pérennité de telle ou telle entreprise - ayant su ou non rester cohérente - qui est, in fine, en jeu...
La synthèse du sondage est téléchargeable sur Les Echos.
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