Le documentaire « La gueule de l’emploi » n’en finit pas de créer des remous, tant du côté des candidats et salariés, que du côté des professionnels du recrutement. D’un côté, le cabinet dont les pratiques ont été dénoncées cherche à se justifier*, de mon côté je persiste et signe sur ce point essentiel et non discutable :
Toute pratique visant à déstabiliser un candidat est inacceptable.
Mais voyons plus loin que cette affaire et interrogeons-nous sur la relation recruteur/candidat. S’il est vrai que depuis une dizaine d’années, les pratiques des cabinets de recrutement se sont modernisées à mesure que le recrutement gagnait ses galons « d’enjeu stratégique » pour la recherche de talents ; si les recruteurs eux-mêmes ont contribué, par leur pratique, à améliorer sans cesse les techniques visant à évaluer les compétences, il n’en reste pas moins que notre profession fonctionne encore à deux vitesses. Je veux parler ici du statut des candidats.
Quelle différence, malheureusement encore, entre l’attitude très civile d’un recruteur vis-à-vis d’un candidat fortement recherché – qui plus est sur un marché pénurique - et les traitements de « masse » pour les fonctions où les candidats se bousculent. La loi de l’offre et de la demande, diront certains. Et alors ! Cette loi nous autorise-t-elle à tourner le dos à l’éthique ?
Certes, nous ne vivons pas dans un monde de « bisounours », mais j’ai toujours été choqué de voir se dérouler des tapis rouges pour des postes de management, d’experts ou bien encore dans des secteurs d’activité en forte pénurie, quand dans le même temps, les mêmes entreprises ou les mêmes cabinets recouraient à des traitements de masse à des fins de rentabilité, avec des délais très courts et un système de facturation des cabinets au « succès ».
On parle de « souffrance au travail », mais je crois qu’il faut aussi inventer ce mot de « souffrance au recrutement ».
Les humiliations, petites ou grandes, doivent être fermement combattues et extirpées des processus de recrutement. Finissons-en avec les méthodes visant à « secouer » le candidat, tant en entretien individuel que collectif.
Pour cela, les professionnels doivent se mettre en empathie avec les candidats qu’ils auditionnent ; une empathie sincère et non feinte ! Et celle-ci commence, très concrètement, par l’observation des effets que produisent les techniques d’évaluation employées sur les personnes. Quel impact négatif peuvent-elles avoir ? Cette analyse, tout professionnel du recrutement devrait s’y astreindre et je m’inclue dans le lot. C’est un lieu commun que de le rappeler : mais dans « ressources humaines », il y a « humain ». Tout simplement.
Croyez-moi, je suis heureux de constater depuis quelques jours que cette évidence résonne avec autant d’importance chez nombre de mes confrères dirigeants de cabinets de recrutement. Ils ne sont pas seulement indignés par les pratiques de ces cabinets ; certains sont également intéressés par mes proposition visant à améliorer le conseil en recrutement.
Je rappelle qu’il est tout aussi urgent de réviser la loi sur le recrutement du 31 décembre 1992 pour en finir avec des pseudo-techniques d’évaluation et introduire, dans le texte législatif, la notion de respect et de dignité du candidat. Sans oublier l’édiction d’une charte tripartite cabinet de recrutement/entreprise cliente/candidats ; une charte remise à chaque candidat.
Je vous invite à relire ces propositions, à réagir, à vous mobiliser, toutes et tous, pour en finir avec les pratiques invalides ou indignes (ce sont souvent les mêmes !) afin de faire progresser le recrutement.
*Lire ici l'interview de Rogers Teunkam, RST Conseil
**Pour celles et ceux qui y sont abonnés, j’en ai parlé sur Entreprise&Carrières ; outre cette tribune dans LeMonde.fr.