Récemment, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) avait proposé de reconnaître le préjudice subi par les personnes en situation de pauvreté et d'intégrer le critère de "discrimination fondée sur la précarité sociale" dans l'article 225-1 du code pénal et dans la loi du 27 mai 2008. ATD Quart Monde plaide, elle aussi, pour que la discrimination pour pauvreté soit inscrite dans le code pénal français. Dans son discours sur le parvis des Droits de l’hommes, du Trocadéro à Paris, à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère, le jeudi 17 octobre 2013, le Défenseur des droits Dominique Baudis a également déclaré être favorable à l’inscription de ce nouveau critère de discrimination.
Nous le savons, le lieu de résidence peut désavantager un candidat, un testing récent réalisé à Paris et en Seine-Saint-Denis pour l’Observatoire national des Zus (Onzus) avait mis en lumière une discrimination liée au lieu de résidence dans l’accès à l’emploi, via l’accès à l’entretien d’embauche. L’étude publiée en juin 2013 (1) concluait à l’existence d’une discrimination en raison du département de résidence pour la plupart des profils de candidats, et tout particulièrement s’agissant de la Seine-Saint-Denis : une « bonne adresse » peut aller jusqu’à tripler les chances d’être invité à un entretien d’embauche ! Ces effets discriminatoires s’expliquent, en partie, par les représentations des employeurs sur les populations vivant dans les quartiers : des Français issus de l’immigration, aux revenus fragiles, aux situations d’emploi instables…
ATD Quart Monde a lancé une nouvelle enquête, réalisée d’avril à juillet 2013 (2), en partenariat avec ISM Corum, en Ile de France, à Bordeaux, Caen, Grenoble, Nice et Strasbourg. Son but était de tester deux nouveaux signaux liés à la précarité en utilisant la méthode de l'envoi de CV (1440 CV fictifs). L'une des deux candidatures mentionnait une adresse en centre d'hébergement et de réinsertion sociale et un passage par une entreprise d'insertion dans le parcours professionnel. L’étude relève un écart de 30 points entre les deux types de candidatures dans le cadre des candidatures spontanées à des emplois d'opérateur de caisse dans la grande distribution. En effet, parmi les candidatures ayant reçu une réponse, 83,1 % des candidats de référence ont obtenu un entretien, alors que seules 53 % des candidatures présentant les caractéristiques de précarité ont reçu une réponse positive.
Cette précarité est souvent prise en compte par les grandes entreprises, notamment, celles engagées en matière de responsabilité sociale pour les salariés déjà présents dans l’entreprise. En effet, les services d’action sociale peuvent venir au secours du salarié : assistante sociale, aide au logement, transport, soutien aux familles,…
En revanche, pour le demandeur d’emploi, peu d’entreprises s’engagent sur ce critère, hormis dans le cadre d’initiatives territoriales pour des recrutements volontaristes dans les ZUS (Zone Urbaine Sensibles) ou en prenant en compte le statut de boursier, lors de recrutements d’alternants.
Pourtant, en recrutement, au-delà des critères d’expérience et de compétences techniques, consciemment ou inconsciemment le recruteur est souvent influencé par des biais dans sa décision de sélection. Il s’agit tout d’abord de « l’homophilie » ou la tendance à recruter celui qui lui ressemble et qui partage notamment les mêmes codes sociaux. Les stéréotypes sont des prismes de lecture, sources d’erreur de jugement : la première impression que donne le candidat, son apparence physique ou encore son adresse. Le recruteur, en recourant à ces stéréotypes, aura la conviction de sécuriser son recrutement et de prendre le moins de risques. Il peut également craindre l’image donnée au client ou aux équipes en recrutant une personne pauvre qui, dans certains cas, ne satisfait pas aux "standards". Enfin, la précarité fait peur et constitue une menace, car elle peut toucher chacun d’entre nous...
Rares sont les entreprises engagées dans la lutte contre les discriminations ou la promotion de la diversité qui abordent explicitement ce sujet de la précarité ou de la pauvreté.
L’introduction de ce 20eme critère de discrimination permettrait de le traiter davantage.
Mais attention, l’accompagnement social des personnes précaires est primordial en termes de recherche d’emploi, pour les aider à bien définir leur projet professionnel, à frapper aux bonnes portes, à bien préparer leurs entretiens d’embauche et à les aider, si nécessaire, à s’intégrer dans leur emploi.
(1)
http://www.onzus.fr/uploads/media_items/document-onzus-n-4.original.pdf
(2)
Téléchargement Discrimnation&Pauvrete_LivreBlanc
Les commentaires récents