10 ans après le lancement de la Charte de la diversité, une étude montre que la lutte contre les discriminations en entreprise doit demeurer parmi les priorités des politiques publiques et des entreprises. Trop d’acteurs considèrent que les progrès accomplis en la matière justifient une moindre vigilance…
Les résultats toujours accablants du testing (1) mettent en évidence des pratiques discriminatoires envers les candidats d’origine maghrébine. Ces pratiques ne sont que faiblement compensées par une formation plus élevée. Le candidat d’origine maghrébine plus qualifié a plus de chances d’accéder à un entretien d’embauche que l’autre candidat d’origine maghrébine, mais moins que le candidat d’origine française.
L’objectif du testing, mené en Ile de France par Emilia Ene Jones, était de mesurer l’effet de l’origine française ou maghrébine croisée avec la variable « diplôme » sur les chances d’accéder aux entretiens d’embauche en réponse à des offres d’emploi pour des postes de technicien de maintenance.
L’étude utilise trois profils de demandeurs d’emploi :
- deux jeunes hommes d’origine maghrébine et un jeune homme d’origine française.
- l’un de ces deux candidats d’origine maghrébine affiche un niveau de formation plus élevé que les autres candidats (diplôme de niveau BTS alors que les autres détiennent un diplôme de niveau Bac).
441 candidatures ont été envoyées à 147 offres d’emploi en Ile‑de‑France sur la période fin juillet 2010 – fin août 2010.
Quels sont les résultats ?
Parmi 147 entreprises qui ont reçu des candidatures, 28 % (41 entreprises) ont envoyé un signal favorable aux candidats en leur proposant un entretien d’embauche ou en demandant des informations supplémentaires. Mais le taux moyen de réussite par candidat montre des disparités marquées selon l’origine et le niveau de formation des candidats.
Le candidat d’origine française, ayant une formation de niveau Bac, a reçu 35 réponses positives, contre 21 réponses positives pour le candidat d’origine maghrébine, ayant les mêmes caractéristiques productives et donc le même niveau de diplôme.
Le candidat d’origine maghrébine ayant une formation supérieure de niveau Bac + 2, donc un diplôme BTS, a reçu 28 réponses positives, soit un score intermédiaire entre l’autre candidat d’origine maghrébine et le candidat d’origine française moins diplômé que lui.
Ainsi, la qualification BTS apporte bien un plus au candidat maghrébin par rapport à l’autre candidat maghrébin de niveau Bac, mais le candidat français n’a besoin que de son appartenance pour combler son manque de qualification par rapport au candidat maghrébin de niveau BTS. Le candidat d’origine française reçoit une invitation d’entretien à l’embauche pour 4 CV envoyés en moyenne, contre 7 CV pour un candidat d’origine maghrébine ayant les mêmes caractéristiques productives. Le candidat d’origine maghrébine ayant une formation supérieure aux autres doit envoyer 5 candidatures pour obtenir une invitation d’entretien à l’embauche. Ainsi, alors qu’il est plus formé que le candidat d’origine française, il doit envoyer plus de candidatures pour obtenir le même résultat. Ceci suggère donc une discrimination importante sur ce marché du travail, avec des écarts différents selon l’origine et la formation.
(1) Emilia Ene Jones, Discrimination à l’embauche des jeunes en Ile‑de‑France : un diplôme plus élevé compense‑t‑il une origine maghrébine? , ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 464-465-466, 2013
Lire l’étude : http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES464K.pdf
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