Cinquième épisode de l’affaire, avant un prochain recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme …
25 juin 2014 : l'assemblée plénière de la Cour de cassation a déjugé un arrêt de sa propre chambre sociale de 2013. Selon elle, le licenciement de la salariée de la crèche pour avoir refusé d’ôter son voile était justifié.
La cour rappelle que selon le Code du travail, une entreprise privée, ou une association dans le cas de la crèche, peut restreindre la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses, (article L. 1121-1 du Code du travail), si cela est justifié par « la nature de la tâche à accomplir » et si la mesure est « proportionnée au but recherché ». Or, Baby Loup avait adopté un règlement intérieur qui précisait que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités ».
La Cour estime que cette restriction à la liberté de manifester sa religion ne présentait pas « un caractère général mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies, et proportionnée au but recherché », en l’occurrence la relation directe avec les enfants et leurs parents.
Néanmoins la Cour de Cassation insiste sur le fait qu' « il n’en résulte pas que le principe de laïcité est applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ».
Plusieurs arrêts au niveau national ou européen, connus et régulièrement cités, confirment la possibilité d’interdire le port d’un signe religieux dans une entreprise privée dès lors que ces critères sont remplis :
- Arrêt « Ewaida and others vs. UK », Cour européenne des droits de l’Homme, 15 janvier 2013 : non-respect des règles d’hygiène et de sécurité dans un hôpital privé, du fait du port d’une croix sous forme de bijou portée autour du cou et dépassant d’une blouse médicale.
- Arrêt « Paulin c/ SCP Marquis Lenzenberg », Cour d’Appel de Versailles, 23 novembre 2006 : non-respect des règles d’hygiène et entrave aux intérêts commerciaux de l’entreprise du fait d’un port d’un foulard dans un laboratoire d’analyses médicales.
- Arrêt « Habiba c/ SA Hamon », Cour d’appel de Paris, 16 mars 2001 : entrave aux intérêts commerciaux de l’entreprise du fait d’un port d’un foulard dissimulant une partie du visage dans un magasin de fruits et légumes.
- Arrêt « Société Milhac Nord c/ Mme Meraly », Cour d’Appel de Saint-Denis de la Réunion, 9 septembre 1997 : entrave aux intérêts commerciaux de l’entreprise du fait d’un port d’un foulard dans un magasin de vêtements de mode.
Nous devrons être attentifs aux prochains arrêts de la jurisprudence, notamment sur les contextes ou la nature des tâches à accomplir pouvant restreindre la liberté de manifester sa religion, tout en veillant à ce que la religion ne fasse pas l’objet de stigmatisation ou de discrimination.
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