La Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale est célébrée chaque année le 21 mars et c’est aujourd’hui.
Une journée de commémoration de plus ?
Assurément, non, le racisme, la xénophobie et l'intolérance constituent l’un des problèmes les plus importants de nos sociétés et ceux-ci malheureusement s’aggravent. Les actes racistes ou à caractère xénophobe augmentent. Les perceptions de discriminations sur la base de l’origine ethnique, plus encore en France que dans le reste de l’Europe, sont particulièrement marquées (Eurobarmetre 2015).
Toute action en faveur des changements culturels, des évolutions des mentalités et des prises de conscience sont donc les bienvenues.
Bien évidemment, nous sommes en droits d’attendre des actions des acteurs politiques, associatifs, du monde de l’éducation, des médias, du monde de l’entreprise…
Toutefois, chacune et chacun d'entre nous peut jouer un rôle en nourrissant ou en luttant contre les préjugés raciaux et les attitudes intolérantes.
Alors, moi aussi, I have a dream…
Voici quelques repères sur cette manifestation et quelques idées d’actions.
21 mars, pourquoi cette date ?
Cette journée commémore ce jour de 1960 où, à Sharpeville, en Afrique du Sud, la police a ouvert le feu et tué 69 personnes lors d’une manifestation pacifique contre les lois relatives aux laissez-passer imposées par l’apartheid.
En proclamant la Journée internationale en 1966, l’Assemblée Générale des Nations Unis a engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale (résolution 2142, XXI).
Quelle est la vocation de cette journée ?
Cette journée est l’occasion d’honorer la mémoire des victimes de tragédies passées, qu’elles résultent notamment de l’esclavage, du travail forcé ou de génocides, mais aussi de manifester la volonté d'éviter que d'autres ne subissent un sort semblable à l'avenir. « Les pratiques racistes, les idéologies racistes, et les discours déshumanisants qui nient la dignité et les droits de groupes entiers doivent être condamnés », tout autant qu’elles doivent faire l’objet d’alertes et de prévention.
« La tolérance, le dialogue interculturel et le respect de la diversité sont plus indispensables que jamais dans un monde où les peuples sont plus interconnectés que jamais ». Le 21 mars est l'occasion pour chacun de nous de « repenser au principe fondamental énoncé dans la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits l'homme, celui de l'égalité de tous les êtres humains, et le mettre en pratique ».
Le thème 2016 : faire le point sur les progrès réalisés et les défis à relever
Le thème 2016 choisi est le suivant : « 15 ans après la Déclaration et le programme d'action de Durban : progrès et défis » Pour l'année 2016, cette Journée internationale se penchera donc sur les progrès réalisés depuis la Déclaration et le Programme d'action de Durban, (2001) adoptés il y a 15 ans, mais aussi sur les défis qu'il reste encore à relever. Rappelons que la Déclaration et le Programme d'action de Durban représentent le cadre le plus complet dans la lutte contre le racisme, l'intolérance et la discrimination. Elle contient des mesures destinées à combattre le racisme sous toutes ses formes, souligne les droits de l'homme dont disposent les victimes de discrimination raciale et insiste sur leur droit à participer librement et équitablement à la vie politique, sociale, économique et culturelle. En avril 2009, la Conférence d'examen de Durban avait passé en revue les progrès réalisés pour éradiquer le racisme et a conclu qu'il restait encore beaucoup à faire…
Une journée contre les discriminations raciales, sous toutes ses formes
Le site des Nations Unis rappelle que la discrimination raciale et ethnique « se manifeste chaque jour, entravant tout progrès pour des millions de personnes dans le monde entier. Le racisme et l'intolérance peuvent prendre diverses formes : refus aux individus des principes fondamentaux d'égalité, incitation à la haine raciale, génocide…
Des perceptions d’une discrimination raciale forte en Europe et qui s’accentuent
L’Eurobarometre qui mesure, pour la quatrième fois, la perception des discriminations en Europe, auprès de plus de 27 000 personnes dans les 28 états membres le confirme. La discrimination sur la base de l’origine ethnique continue d’être considérée comme la plus répandue dans l’Union Européenne (64%) et cette perception progresse depuis 2012 (+ 8%).
En France, cette perception de discrimination basée sur l’origine ethnique est encore plus répandue que celle des européens en général (82% vs 64% pour les répondants en Europe).
Special Eurobarometer 437, Discrimination in the EU in 2015, octobre 2015:
Près d’une personne interviewée sur cinq (21%) en Europe indique que, dans les 12 mois précédant l’enquête, elle s’est sentie discriminée ou harcelée (origine ethnique : 3% ; religion ou croyance : 3%). L’enquête révèle une dégradation des situations de discriminations (16% en 2012 vs 21% en 2015). 62% des répondants considèrent qu’il est nécessaire de prendre de nouvelles mesures pour combattre la discrimination (27% seulement pensent que ce n’est pas nécessaire).
Et au travail ?
Dans cette même étude (Eurobarometre 2015), une large majorité des personnes interrogées en Europe, affirment qu’elles sont à l’aise pour travailler avec une personne blanche (94%), alors que la proportion n’est plus que de 83% avec les personnes noires ou asiatiques et de 63% avec les roms.
Si 58% des salariés européen pensent que l’on fait assez pour promouvoir la diversité au travail, cette opinion est moins répandue en ce qui concerne l’origine (50%) et 34% pensent que ce n’est pas le cas (26% pour la diversité en général).
Les actes racistes : une réalité, qui s’aggrave en France
Les actes racistes ont augmenté de 22% par rapport à 2014, dans notre pays. En 2015, ce sont 2 032 actes et menaces à caractère xénophobe qui ont été recensés, dont 806 faits antisémites, 429 faits antimusulmans (trois fois plus qu’en 2014) et 797 faits raciste (+17,5%).
Alors, que faire ?
Un cadre juridique sophistiqué…
Certes, l’Union Européenne dispose de l’un des cadres juridiques les plus sophistiqués au monde en matière de lutte contre la discrimination, notamment avec la directive dite « race » du 29 juin 2000. En France, en cas de discrimination, outre les recours judiciaires, la victime peut notamment saisir le Défenseur des droits. Mais ceux-ci, qu’ils soient judiciaires et extrajudiciaires demeurent peu fréquents, car les victimes ne connaissent pas toujours leurs droits, n’osent pas toujours les faire valoir et malgré le principe de l’aménagement de la charge de la preuve, en cas de discrimination, éprouvent des difficultés à réunir les éléments probants de ce qui constitue, rappelons-le, un délit. Il manque donc les fameuses « class actions », dont nous n’entendons plus parler, pour permettre aux victimes de discrimination d’ester collectivement en justice et ainsi de faire valoir leur droit plus efficacement.
Une mobilisation des entreprises à intensifier
En France, une véritable mobilisation de la part des entreprises s’est mise en place, depuis 2004 avec le lancement de la Charte de la diversité en entreprise qui réunit aujourd’hui 3 000 signataires et depuis 2009, avec le label Diversité qui certifient plus de 300 entreprises sur le thème générale de leur politique de lutte contre les discriminations. Quelques entreprises ont conclu des accords d’entreprise avec leurs partenaires sociaux. D’autres ont mis en place des formations de leurs managers, équipes RH, voire l’ensemble de leurs salariés ou encore des dispositifs d’alerte permettant à un collaborateur se considérant comme discriminé de bénéficier d’une assistance interne ou externe garantissant des règles de confidentialité.
Une étape a été franchie, mais nous devons accélérer ces actions au niveau des entreprises et des organismes publics, de toute taille et de tout secteur.
A l’école, ce n’est pas qu’une question de programme de sensibilisation
L’éducation joue un rôle majeur et les Semaines d’éducation contre le racisme qui font suite à la Journée du 21 mars, sont une bonne occasion pour les enseignants, d’apporter leur pierre à l’édifice. C’est au quotidien qu’il faut intensifier les actions, notamment dans les programmes éducatifs, mais c’est surtout par la mixité sociale et ethnoculturelle des établissements, que nous parviendrons à de véritables résultats.
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Les médias doivent TOUS s’engager et davantage
Les médias, dans le traitement de l’information et par ses programmes, notamment, dans la prévention des stéréotypes jouent également un rôle essentiel. A titre d’exemple, France Télévisions, Radio France et TF1 ont obtenu, le label Diversité et ont accompli des progrès indéniables, à la différence d’autres médias. Néanmoins, le chemin est encore long pour que nos écrans reflètent la société Française...Et l’enjeu est aussi celui des médias sociaux, qu’il est beaucoup plus difficile à maîtriser. Par conséquent, toutes, les actions de sensibilisation sont les bienvenues : le SIG (Service d’information du Gouvernement), lance le 20 mars, une campagne nationale sur les chaines de télévision et les réseaux sociaux pour « éveiller les conscience » face à la banalisation du racisme et de l’antisémitisme. Ce sont six spots chocs dénonçant des faits antisémites, antimusulmans, et racistes. Bravo pour cette initiative !
Et vous et moi, que faire ?
Le site des Nations Unis propose différentes actions individuelles et invite à faire passer le message, que ce soit sur Facebook ou Twitter ou encore par courriel : « je ne me fie pas aux apparences, je dis non au racisme ». Le site propose également de s’informer davantage sur ce thème et de prendre position contre le racisme en participant à un groupe de défense des droits des minorités et en aidant ces groupes partout dans le monde, grâce à sa plateforme de bénévolat virtuel.
Vous pouvez également tester vos stéréotypes sur le site de l’Université de Harvard, en passant le TAI ou IAT (dans la langue de votre choix), un bon moyen pour se remettre en question.
C’est bien au quotidien, par l’addition de toutes ces micro-actions, à côté d’initiatives de petite ou de grande envergure, que notre message se propagera, afin que notre société soit plus fraternelle. Et ça, ce n’est pas un rêve…