Votre entreprise a t- elle pris la mesure des risques de discrimination ?
Le 18 avril 2016, le Gouvernement français a rappelé les principales mesures pour lutter contre les discriminations à l’embauche, en parallèle de la campagne de sensibilisation aux discriminations à l'embauche liées à l'origine et notamment l’instauration d’un testing et l’action de groupe. Votre entreprise y est-elle préparée et quels risques encourt-elle ?
Testing : le gouvernement « n'hésitera pas à diffuser les noms publiquement en cas d'immobilisme ou de mesures purement cosmétiques. »
Le testing, de quoi s’agit-il ? Cette méthode consiste à envoyer, en réponse à une offre d’emploi, deux CV, en tous points similaires (parcours scolaire, formation, expérience professionnelle et lieu de résidence), excepté le patronyme. Il s’agit alors d’examiner si les candidatures sont traitées de façon identique.
Lors d’un précédent testing, réalisé par le BIT en 2007, les candidats, tous français et au parcours rigoureusement équivalent, ont engagé la même procédure de candidature pour le même emploi. Ils se distinguaient uniquement par le nom, évoquant soit une "origine hexagonale ancienne", par exemple Marion Roche, soit une "origine maghrébine ou noire africaine", par exemple, Farida Larbi. Dans cette étude, près de 4 fois sur 5, un candidat à l'embauche « d'origine hexagonale ancienne » a été préféré à un candidat d'origine maghrébine ou noire africaine.
Le testing, mené actuellement par l’organisme ISM Corum et mandaté par le Gouvernement, a déjà débuté auprès d’entreprises de plus de 1 000 salariés, testées sur des offres d’emploi relevant de métiers et de secteurs variés. La synthèse des résultats fera l’objet d’une publication d’ici septembre 2016. Chaque entreprise testée sera tenue de tirer le bilan de ses résultats et de mettre en place, le cas échéant, des mesures correctives rapides et efficaces. Pour les entreprises testées, un dialogue sera engagé sur la base des résultats du testing. Le Gouvernement exigera que des mesures soient prises, à très court terme, pour remédier aux éventuelles dérives constatées, afin que chacun puisse avoir l’opportunité de prouver sa bonne volonté.
Action de Groupe : une menace accrue de contentieux
La création de l’action de groupe contre les discriminations, dans le cadre du projet de loi « la Justice du 21e siècle », prévoit une déclinaison spécifique sur les discriminations dans l’entreprise, pour prendre en considération leurs spécificités. Voté par le Sénat, le projet de loi sera bientôt en discussion à l’Assemblée nationale.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un recours collectif qui facilite l’accès à la justice pour les victimes d’un même dommage, par une procédure simplifiée et moins coûteuse, pour faciliter la réparation du préjudice. Cette action s’effectuera via une organisation syndicale représentative ou une association de plus de cinq ans d’existence et compétente dans le domaine de la lutte contre la discrimination. Aux Etats unis, cette pratique est courante. Ainsi, en 2007, le Groupe pharmaceutique, Sanofi a été condamné à 15 millions de dollars pour discrimination sexuelle.
Des candidats mieux informés
La campagne de sensibilisation, lancée mi-avril et intitulée « Les compétences d’abord », avec près de 2 000 affiches partout en France, met en lumière les discriminations à l’embauche, pratiquées par les entreprises.
Les candidats disposent également de deux sites d’information sur leurs droits et recours possibles, en cas de discrimination, le site du gouvernement : http://stop-discrimination.gouv.fr/ et celui du Défenseur des droits. Lancé fin 2014, le site www.egalitecontreracisme.fr favorise les démarches des victimes et des professionnels de terrain, afin que chacun et chacune aient accès à toute l’information sur la loi.
Quels sont les risques encourus par votre entreprise ? Trois ans d’emprisonnement, 45 000 euros d’amende, dommages et intérêts, interdiction de soumissionner aux marchés publics…
Constitue une discrimination prohibée par la loi, le fait d’opérer une distinction entre les salariés ou entre les personnes candidates à un recrutement ou à l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, sur des motifs autres que les nécessités de l’emploi ou les qualités professionnelles du salarié
Sont visées les discriminations fondées sur l’un des motifs suivants : l’origine, le sexe les mœurs, l’orientation ou l’identité sexuelle, l’âge, la situation de famille ou la grossesse, les caractéristiques génétiques, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l’apparence physique, le nom de famille, le lieu de résidence, l’état de santé ou le handicap (article L. 1132-1 du code du travail).
Les recours judicaires peuvent être d’ordre pénal, la personne faisant l’objet d’une discrimination peut déposer plainte auprès du Procureur de la République, du commissariat de police, de la gendarmerie ou du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance.
Les recours peuvent être également civils : les salariés victimes ou témoins de discriminations disposent d’un recours devant le conseil de prud’hommes. L’objectif du recours est l’annulation de la mesure ou de la décision, fondée sur un motif discriminatoire, ainsi que la réparation du préjudice subi.
La personne reconnue coupable de discrimination encourt une sanction disciplinaire, s’il s’agit d’un salarié de l’entreprise et des sanctions pénales : trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Au conseil des prud’hommes, si la discrimination est reconnue, les dommages et intérêts devront réparer l’entier préjudice en résultant, pendant toute sa durée.
L’entreprise peut également se voir interdire de soumissionner aux marchés publics.
A cela, s’ajoutent des recours extra-judiciaires : les inspecteurs du travail sont habilités à constater les infractions commises en matière de discriminations. Enfin, le « Défenseur des droits » peut être saisi par toute personne, qui s’estime victime d’une discrimination. Il assiste la victime dans la constitution de son dossier et l’aide à identifier les procédures adaptées à son cas. Il dispose d’un pouvoir d’investigation permettant de demander des explications, d’auditionner des personnes, de consulter des documents ou même dans certains cas de procéder à des vérifications sur place. Il peut également procéder à la résolution amiable, par voie de médiation. Enfin, lorsqu’il constate des faits constitutifs d’une discrimination, le Défenseur des droits peut proposer à l’auteur des faits une transaction consistant dans le versement d’une amende transactionnelle dont le montant ne pourra excéder 3 000 euros, s’il s’agit d’une personne physique, et 15 000 euros, s’il s’agit d’une personne morale. Cette transaction proposée par le Défenseur des droits et acceptée par l’auteur des faits ainsi que, s’il y a lieu, par la victime, devra être homologuée par le procureur de la République.
Aux risques juridiques, s’ajoute le risque de réputation. En effet, les contentieux peuvent être médiatisés et dégrader l’image de votre entreprise, auprès de vos clients, du grand public et de vos actionnaires. En interne, cela peut réduire la confiance des salariés envers votre entreprise, les démotiver et abaisser leur niveau d’engagement, voire provoquer leur départ.
Votre entreprise a donc tout intérêt à prendre la mesure des risques de discriminations et plus encore des opportunités que représente la diversité dans votre organisation.
Dans un prochain article, je vous présenterai les actions possibles à mettre en œuvre.
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