"Dans un contexte ou l’autre peut être contaminant et où la distanciation physique devient la règle, nous devons rester attentif à ce que le lien social et la logique d’inclusion prennent le dessus."
Avant la pandémie, la diversité était perçue comme un enjeu central pour les entreprises. Sera-t-elle reléguée au second rang ? Dans une série de dix articles, j’ai souhaité débattre avec des DRH et Responsables Diversité pour connaître l’impact de la crise sur les politiques Diversité des entreprises. Dans cette troisième interview, c’est Caroline Courtin qui s’est prêtée au jeu. Elle est Responsable diversité, inclusion & RSE RH au sein du Groupe BNP Paribas, l’une des plus grandes entreprises en France. Dans cette première banque française et 10e groupe bancaire international, avec près de 200 000 salariés, elle est aux premières loges pour observer les tendances qui s’esquissent.
Une politique diversité bien enracinée
Quoi de plus logique que partager cette réflexion avec un acteur de référence en matière de promotion de la diversité et d’inclusion. « Ce thème est même devenu l'un des 12 engagements RSE de l'entreprise et le Groupe place la diversité au cœur de ses valeurs d’entreprise ». Cette politique est construite autour de trois axes : l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le multiculturalisme et la Diversité des origines, ainsi que le handicap. Afin de déployer ses actions le plus largement possible dans toutes ses entités, BNP Paribas a constitué une équipe et un comité dédié, qui regroupe plus 40 Diversity Officers. Ce sont également plus de 20 000 collaborateurs qui s’impliquent quotidiennement dans des réseaux professionnels et qui font vivre cette politique partout dans le monde. Parmi ces réseaux, « BNP Paribas Mixcity » est une association engagée dans la promotion de l’égalité professionnelle. Le réseau « Pride France » regroupe principalement des collaborateurs LGBT+ et leurs soutiens. « WeGenerations » a pour ambition d’accroître les échanges entre jeunes et seniors. En France, le Groupe est titulaire du Label Diversité et du Label Egalité professionnelle.
Des conséquences sur l’organisation
Première observation ; « La pandémie a accéléré une nouvelle organisation, avec le travail à distance et la digitalisation » et il est quasiment certain que « l’on ne reviendra pas totalement en arrière dans la plupart des entreprises ». A l’avenir, il sera difficile d’imaginer de faire déplacer des collaborateurs pour des conférences, alors qu’une diffusion digitale serait tout autant adaptée, observe Caroline Courtin. Heureusement, le télétravail régulier était déjà bien ancré au sein de BNP Paribas depuis une dizaine d’années avec 11 000 collaborateurs concernés dans une banque déjà très digitale. Néanmoins, au démarrage du confinement, les service IT ont dû « assurer » avec le passage à 140 000 salariés travaillant à domicile ! Il a fallu également délivrer des guides, mettre à disposition une hotline, même si tous les collaborateurs disposaient déjà d’un ordinateur portable de l’entreprise.
La vie privée s’invite au travail
Parmi les autres effets directs de la pandémie, c’est l’immixtion de la vie privée dans la vie professionnelle. « Quand la vie personnelle ne pesait pas sur la vie professionnelle, avant la crise sanitaire, elle peut peser davantage aujourd’hui » Par exemple, des parents de jeunes enfants se sont régulièrement inquiéter « de perdre leur crédibilité, lorsque lors de réunions très sérieuses, ils étaient interrompus par les leurs enfants en bas-âge. ». Des situations vécues lors du confinement ne se seraient jamais produites auparavant. Ainsi, lorsqu’un collaborateur gay qui était en vidéo-conférence chez lui avec son manager, a vu passé son mari derrière la caméra, il s’est félicité que son manager lui propose aimablement de les présenter. Le Groupe a été particulièrement attentif à l’explosion des violences conjugales, en France, du fait du confinement et qui n’a pas épargné les collaborateurs du Groupe. En temps normal, ce sont 16% des femmes et 4% des hommes qui se sont déclarés victimes de tels actes. Et nous avons dû renforcer nos actions pour faire face à une situation qui s’est aggravée.
Des changements de postures des collaborateurs et du management
« Cette crise a eu également des effets sur la relation entre collègues », explique Caroline Courtin. L’équipe diversité a relevé « davantage d’attention des collaborateurs les uns envers les autres », qui va bien au-delà du traditionnel « ça va » lancé à la cantonade. Le travail en visioconférence a également cassé les codes vestimentaires et « le style est plus décontracté derrière la caméra de l’ordinateur. ». Le management a dû s’adapter : « on a demandé aux managers de maintenir une écoute active, tout en portant une attention particulière à la situation de chacun ».
Des vécus différents
« Pendant la crise sanitaire, de par leur situation personnelle, tous les collaborateurs n’ont pas été logés à la même enseigne » et n’ont pas vécu le confinement de la même manière, même s’il est difficile de généraliser. Pour certains, bénéficiant d’espace, d’un jardin et de moins de temps de transports, cette période a été l’opportunité de profiter de sa famille. Pour d’autres, cloitrés dans un petit espace ou vivant seul ou encore dans l’obligation de faire l’école à la maison, le vécu fut beaucoup plus difficile. Le fait d’avoir des enfants ou des adolescents » a pu créer des situations rendant malaisé un équilibre entre la vie privée et la vie personnelle. De surcroit, pour certains aidants, s’occupant de personnes en situation de handicap, c’est tout un écosystème qui a explosé : baby-sitter, orthophoniste, école…
Psychologiquement, l’expérience n’a pas été éprouvée identiquement et des collaborateurs ont pu se sentir très seuls, des ressentis qui n’ont pas été linéaires et qui ont évolué pendant la crise.
Pas de remise en question de la politique diversité
Est-ce que la pandémie risque de remettre en question la politique diversité du Groupe ? Pour Caroline Courtin, assurément pas. En effet, cette politique diversité est fortement ancrée dans la stratégie de l’entreprise, les valeurs du Groupe et dans le manifeste d’Antoine Sire, Directeur de l’engagement d’entreprise ainsi que dans la raison d’être de BNP Paribas. « Elle fait partie de notre promesse employeur vis-à-vis de nos candidats et de nos salariés. »
Certes, beaucoup d’entreprises subiront des turbulences, y compris dans le secteur bancaire. Mais à ce jour, le Groupe a plutôt fait preuve d’actions solidaires, par exemple en déployant un plan d’urgence de 55 millions de dons aux hôpitaux ou à des organisations telles que la Croix Rouge, pour les travailleurs en première ligne, ainsi que pour des populations fragiles. Au début du mois de mai, Jean Laurent Bonnafé, directeur général du Groupe a d’ailleurs appelé à une mobilisation collective de 90 entreprises pour faire de la relance économique un accélérateur de la transition écologique et faire preuve de justice sociale.
Bien sûr, les évènements en présentiels qui rythmaient la démarche diversité et inclusion ont dus être orientés en digital…D’autres ont été annulés, tels que les prides LGBT+. Difficile d’organiser les afterworks avec les réseaux en présentiel…Ainsi, des webinars ont été organisés sur les thèmes de la conciliation vie personnelle et vie professionnelle, sur le coming out en famille, la place du père, la manière de parler du racisme aux enfants… Du 2 au 8 juin, les conférences de la semaine de la parentalité sont maintenues et entièrement disponible en live et en replay.
Est-il opportun de traiter de ces thèmes au regard du drame de la pandémie mondiale ? Pour Caroline Courtin, « Dans ce contexte sans précédent, il est pour nous crucial d’aborder les sujets inhérents à cette crise sanitaire tout en répondant aux questions qui concernent le quotidien de nos salariés. » Et les résultats sont là : « nos actus dans notre Intranet ont été très suivies, comme par exemple, celle sur la mise en avant de deux collaboratrices du réseau BNP Pride France lors de la journée international de la visibilité lesbienne en avril ».
Sur le plan international, le Groupe a l’avantage de bénéficier de dispositifs homogènes partout dans le monde, grâce à un accord monde qui généralise les politiques diversité et inclusion à l’ensemble du Groupe. Les salaires ont été garantis dans tous les pays où le Groupe est implanté durant cette crise.
Certes, des particularités selon les pays ont été décelées. Aux états Unis, le Groupe a été attentif au racisme à l’égard des personnes asiatiques et un film a été réalisé pour que ne soit plus employée l’expression « Chinese virus ». Une vigilance a également été portée en direction des communautés notamment afro-américaines ou LGBT+ qui se sont senties touchées différemment par la pandémie.
« Globalement, dans un contexte ou l’autre peut être contaminant et où la distanciation physique devient la règle, nous devons rester attentif à ce que le lien social et la logique d’inclusion prennent le dessus. », conclut Caroline Courtin. Et cela s’inscrit bien dans les engagements diversité du Groupe…
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