Il y a 40 ans l’Etat français abrogeait les dispositions pénalisant les relations homosexuelles dans le code pénal.
En réalité il n’est pas exact de parler de dépénalisation, car à cette époque, les relations homosexuelles n’étaient déjà plus condamnées, le crime de sodomie ayant disparu dès le premier code pénal de 1791. Néanmoins, il subsistait dans le code pénal français des textes discriminatoires : la majorité sexuelle était notamment fixée à 18 ans pour les relations homosexuelles, contre 15 ans pour les hétérosexuelles, disposition instaurée par le régime de Vichy en 1942. Avec la loi du 4 août 1982, l’Etat français abrogeait ces dispositions. De plus, les juges se fondaient sur d’autres chefs d’accusation, comme « l’outrage public à la pudeur », défini par l’article 330 du code pénal de 1810 : entre 1810 et 1994, date du dernier code pénal, 100 000 homosexuels auraient été condamnés pour ce délit – avec des peines allant de trois mois à deux ans de prison et de 500 à 15 000 francs d’amende*.
40 ans plus tard, si la loi et le droit sont devenus plus protecteurs envers les personnes LGBT+, les discriminations dont elles sont victimes demeurent préoccupantes.
En France, les plaintes pour injures, menaces ou agressions envers les personnes LGBTI+ ont doublé en cinq ans, selon les données publiées dans l'enquête "Cadre de vie et sécurité" du ministère de l'Intérieur. C'est 12 % de plus qu'en 2019 et 28 % de plus qu'en 2020. En 2021, ce sont 2 170 crimes et délits contre les lesbiennes, gay, bi et trans qui avaient été enregistrés par la police et la gendarmerie, auxquels il faut ajouter 1 620 contraventions, à plus de 90 % pour injure ou diffamation. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, car beaucoup de victime ne portent pas plainte en cas de menace ou d’agression.
Un niveau élevé de témoignages de la part des personnes LGBT+ : dans Rapport sur les LGBTIphobies publié par SOS homophobie en 2022, l’association a recensé 1 515 témoignages via ses différents canaux d’écoute et de soutien aux victimes (ligne téléphonique anonyme, chat’écoute et courriel) en 2021. Et c’est en ligne que l’association comptabilise le plus de signalements (18% cas), suivi du contexte de la famille (15%) et du travail (11%, à égalité avec le contexte du voisinage, ainsi que celui du commerce et des services).
Une augmentation des LGBTphobies au travail : les résultats du 3ème Baromètre LGBT+ de L'Autre Cercle Ifop l’inclusion des personnes LGBT+ au travail en France, dont je coordonne le projet depuis 2017 n’apportent malheureusement pas de conclusions très optimistes. Et ce malgré un engagement grandissant de la part des directions d’entreprises ou d’organisations publiques. En effet, les agressions et les discriminations LGBTphobes sont en hausse et la moitié des LGBT+ sont toujours invisibles en milieu professionnel. Dans cette même enquête, il ressort qu’un tiers des personnes LGBT+ a été victime d’au moins une agression LGBTphobe dans son organisation (+ 4 points par rapport à 2020). Ce climat va de pair avec une hausse des discriminations au plus haut niveau hiérarchique des organisations : 16% des répondants déclarent avoir subi une mise à l’écart des autres salariés. ils sont plus d’un quart à dénoncer des discriminations de la part de leur direction. Cette situation LGBTphobe s’exprime également par des inégalités dans le déroulement de leur carrière pour 20% des LGBT+. Ces résultats témoignent d’un environnement LGBTphobe ambiant au travail selon 55% des LGBT+.
Le Défenseur des droits à l’occasion de ce quantième anniversaire a alerté sur le fait que le taux de non-recours demeure très élevé. En effet, en 2021, seulement 2% des saisines en matière de discrimination invoquaient le critère de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Selon elle, afin de lutter contre ce non-recours, il importe de mieux informer les victimes de leurs droits et de sanctionner ces discriminations. Elle rappelle que la plateforme antidiscriminations.fr, lancée en février 2021, est un dispositif de réponse dédié aux victimes et témoins de discriminations, qui comprend un numéro de téléphone, 3928, et un tchat en ligne. Claire Hédon dénonce « l’insuffisante mobilisation des pouvoirs publics » et a publié de nombreuses propositions de réformes et recommandations afin de mieux prévenir et sanctionner les discriminations, notamment la mesure des inégalités et des discriminations, la création d’un Observatoire des discriminations. De plus les sanctions des discriminations par les juges devraient être davantage dissuasives. Selon elle, l’éducation contre les préjugés et les discriminations est un point essentiel et la mise en place des campagnes de prévention et de lutte contre les LGBTphobies, s'avère nécessaire, notamment à destination des élèves, en parallèle de la formation des personnels de l’Education nationale.
* source : selon Régis Schlagdenhauffen, titulaire de la chaire de socio-histoire des catégories sexuelles à l’EHESS, dans La Croix 04/08/2022
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