En qualité de rapporteur national indépendant la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a publié le 31e rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Celui-ci a été remis par son président, Jean-Marie Burguburu à Isabelle Rome, ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Egalité des chances
En voici la synthèse :
En baisse depuis vingt ans, la part des Français qui se considèrent eux-mêmes comme racistes continue de diminuer cette année pour atteindre 15% des répondants qui se disent plutôt racistes (3%) ou un peu racistes (12%). Cette proportion est en baisse par rapport à 2019 (3 points). En 2000, 43% des Français interrogés se disaient plutôt ou un peu racistes, soit un recul très important. Après une légère remontée à partir de 2012, qui atteindra son point culminant en 2013 (35%), la part des Français qui se disent racistes atteint aujourd’hui un niveau historiquement bas.
De même, les opinions discriminantes sont souvent minoritaires et en baisse. En effet, les Français adoptent aujourd’hui une conception assez ouverte de la citoyenneté française. Pour eux, les membres des groupes minoritaires ayant la nationalité française sont des Français comme les autres, que ce soient les Juifs (89%), les Musulmans (83%) ou les Roms (63%), ce qui témoigne d’une vision non-exclusive de la nationalité largement partagée. De même, la présence des immigrés ne semble pas susciter en tant que telle une opposition très marquée. Si près d’un Français sur deux (49%) a le sentiment que les immigrés sont trop nombreux aujourd’hui en France, ils considèrent en majorité (72%) que la présence d’immigrés est une source d’enrichissement culturel et que les travailleurs immigrés doivent être considérés comme chez eux en France car ils contribuent à l’économie française (81%).
Les attitudes discriminatoires sont clairement condamnées. Les réactions racistes sont considérées comme injustifiables par une majorité des Français (57%), un chiffre en hausse continue (+4 points par rapport à 2019), 38% seulement considérant à l’inverse que certains comportements peuvent justifier des réactions racistes.
L’indice de tolérance, n’a jamais été aussi élevé et continue sa progression pour atteindre 68 points (sur un maximum de 100), soit une progression de 2 points par rapport à 2019 et de 3 points par rapport aux points hauts de 2017 et 2009. Cet indice longitudinal de tolérance (ILT), calculé depuis 10990 et fondé sur les questions du baromètre annuel de la CNCDH mesure les évolutions annuelles des préjugés.
Néanmoins, certains groupes de la population demeurent rejetés, victimes de violences et de discriminations. Les préjugés à l’égard des musulmans restent élevés. Les Roms font l’objet d’un racisme banalisé. La CNCDH s’inquiète en outre du maintien à un niveau élevé de la délinquance à caractère raciste enregistrée par le ministère de l’Intérieur en 2021.
L’institution dénonce le fait que très peu de victimes portent plainte, selon différentes enquêtes. En effet, la honte, la peur de représailles, l’accueil inapproprié, la complexité des démarches, la défiance vis-à-vis de la police et de la justice découragent les victimes déjà fragilisées. 1,2 million de personnes seraient victimes chaque année d’au moins une atteinte à caractère raciste. Or, moins de 1 000 condamnations sont prononcées chaque année pour infraction à caractère raciste ou commise avec la circonstance aggravante de racisme. Malgré l’ampleur du phénomène, en 2020, aucune condamnation pénale n’a été prononcée du chef de discrimination. La CNCDH souligne que faire reculer le « chiffre noir » permet de « lutter contre le sentiment d’impunité des auteurs, de restaurer les victimes dans leur dignité et de resserrer les liens de confiance entre les minorités et les institutions de la République ». Elle recommande en particulier de renforcer l’usage des dispositifs de pré-plainte et de plainte en ligne et d’intégrer dans le logiciel de prise de plainte un item « discriminations » qui devrait être systématiquement rempli pour orienter de façon plus efficace les investigations. Elle préconise également des nouveaux dispositifs pour lutter plus efficacement contre la haine en ligne.
La commission déplore « des atteintes aux droits envers les personnes en lieux de vie informels », telles que les expulsions sans information préalable ni alternative, la non-inscription à l’école, la rupture dans la vie professionnelle, l’interruption des soins. Selon la CNCDH, « les personnes vivant dans des lieux de vie informels sont stigmatisées et vivent dans une grande précarité ». Elle salue les initiatives soutenues par la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), notamment celles visant à lutter contre la non-scolarisation. La CNCDH renouvelle également ses recommandations d’établir des schémas départementaux d’accueil ajustés aux besoins, de mettre en conformité les aires d’accueil et de reconnaître la caravane comme un logement à part entière.
Enfin, la commission dénonce « le fléau de l’antitsiganisme » qui constitue « une forme de racisme décomplexée qui ne décroit pas en France », y compris en ligne.
L’institution formule 55 recommandations pour prévenir et lutter contre le racisme sous toutes ses formes en France.
Pour la CNCDH, le recul de l’intolérance « nécessite de mieux sensibiliser les Français pour combattre les préjugés parfois inconscients et pour prévenir les discriminations ». Des campagnes de sensibilisation coconstruites avec l’ensemble des personnes concernées devraient être déployées sur un temps long. La CNCDH souligne aussi l’importance de valoriser la « culture du débat » promue dans le cadre de l’enseignement moral et civique et de généraliser l’Éducation aux médias et à l’information (EMI). Pour la commission, il est indispensable de former le personnel éducatif et de mettre à disposition des outils facilement mobilisables pour éduquer les élèves à un usage civique des outils numériques.
Outre ces campagnes de sensibilisation, parmi les propositions, en ce qui concerne le monde du travail, la CNCDH recommande notamment de systématiser la sensibilisation de la fonction publique, des entreprises privées, des syndicats et des employeurs aux spécificités des discriminations liées à l’origine et au racisme dans le monde du travail. Elle encourage également le recours à la négociation collective et aux instances représentatives du personnel (IRP) en entreprise en donnant plus de moyens aux élus et mandatés des salariés, comme un moyen de prévention face au racisme et aux pratiques discriminatoires.
L’institution demande une évaluation régulière des actions de groupes introduites sur le fondement de la loi du 18 novembre 2016, permettant une réflexion sur d’éventuelles améliorations procédurales afin de rendre le dispositif plus effectif et attractif.
Enfin, elle souhaite un meilleur accueil du public et accompagnement des victimes pour favoriser le dépôt de plainte, ainsi qu’une amélioration du traitement judiciaire des infractions à caractère raciste.
Pour consulter le rapport complet : ici