La première ministre Elisabeth Borne et la ministre déléguée chargée de l'Égalité, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Isabelle Rome ont présenté, ce lundi 30 janvier, 80 mesures pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Ce vaste plan sur quatre ans dans le domaine de l’éducation, l’#emploi, la justice et le sport a été élaboré en concertation avec la société civile, les différents ministères et les institutions indépendantes. Le précédent plan remonte à 2018 et avait été présenté par Edouard Philippe qui mettait l’accent sur la lutte contre les contenus haineux en ligne et qui prévoyait déjà de renforcer la formation de l’ensemble des personnels de l’éducation.
Discrimination, racisme et antisémitisme : des chiffres sans appel…
Ce nouveau dispositif s’impose, car les chiffres montrent que c’est un réel fléau dans notre pays. En 2021, les services de police et de gendarmerie ont même enregistré une augmentation des infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux. Celles-ci s’élevaient à 12 50, dont 6 300 crimes ou délits (soit +13% par rapport à 2019) et 6 200 contraventions (soit +26% par rapport à 2019), selon les services statistiques du ministère de l'intérieur publié en mars 2022. Des chiffres qui ne reflètent que partiellement la réalité car seuls 25% des victimes de menaces ou violences physiques racistes et 5% des victimes d'injures racistes déclarent déposer plainte (enquête réalisée sur la période 2013-2018).
Et dans le monde du travail, la situation est tout aussi inquiétante :
- 1,2 million de personnes seraient victimes chaque année d’au moins une atteinte à caractère raciste dans notre pays (au travail ou dans d’autres domaines), selon le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)) publié en 2022.
- Parmi les 10 critères de #discrimination perçue dans la société française, c’est celui de l’origine et de la couleur de peau qui arrive en tête (53%), selon le 15e baromètre « La perception des discriminations dans l’emploi », publié en décembre 2022 par le Défenseur des droits.
- Selon une enquête de Glassdoor de septembre 2022, ce sont 31 % des employés français qui se déclarent avoir été victimes ou témoins de discrimination raciale et/ou ethnique en entreprise.
- Le secteur public n’est pas épargné et dans les trois versants de la fonction publique (fonction publique d’État, territoriale, hospitalière). A titre d’exemple, lors d’un testing, pour le poste de cadre administratif, le taux de succès du candidat de référence est de 39 %, mais seulement de 27 % pour les candidats d’origine maghrébine. Et pour le métier d’aide-soignante, le taux de succès du candidat de référence est de 43 % dans le privé contre 35 % pour un candidat d’origine maghrébine (rapport sur l’état de la fonction publique publié par la DGAFP - Direction générale de l’administration et de la fonction publique, publié en novembre 2022).
Le plan poursuit cinq grandes ambitions :
- Mesurer la réalité du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations ;
- Oser nommer la réalité de la haine ;
- Mieux éduquer et former ;
- Sanctionner les auteurs ;
- Accompagner les victimes.
Parmi les mesures, relevons :
- Sur le plan de l’emploi, le plan gouvernemental systématisera les testings sur les discriminations à l’emploi, dans différents secteurs d’activité, privés et publics, en concertation avec les organisations syndicales et patronales et les associations. Au cours de l'annonce de son programme, en mars 2022, le candidat Emmanuel Macron avait affirmé vouloir rendre systématique les testings dans les entreprises de plus de 5 000 salariés. C’était déjà une promesse lors de son premier mandat, elle-même réitérée lors de son discours de Tourcoing de novembre 2017 sur la politique de la ville. Pour rappel, un #testing consiste à envoyer pour la même offre d’emploi deux CV identiques avec comme uniques différences l’origine du candidat et/ou une adresse dans un quartier populaire. Les différences de traitement qui ne sont pas inhérents à la compétence révèlent une discrimination. Si les mauvaises pratiques perdurent, le gouvernement n’exclut pas de recourir à la pratique du « name and shame », en publiant les noms des entreprises peu vertueuses et des sanctions pourront être envisagées. Le dernier « test de discrimination » avait été réalisé en 2018 et 2019 auprès d’une centaine d’entreprises. Il avait révélé les différences de traitement selon les origines présumées avec 20% de chances en moins de recevoir une réponse lors d'une candidature à une offre d'emploi et 30% de chances en moins d'être recontacté après une candidature spontanée…Malheureusement les noms des entreprises mauvaises élèves n’avaient pas été mentionnés. Un autre testing lancé en 2016 par Myriam EL KHOMRI avait montré un taux global de réponses positives reçues par une candidature « maghrébine » de 9 %, contre 20 % pour les candidatures « hexagonales ». Le ministère du travail avait alors enjoint aux douze entreprises les plus concernées de présenter des plans d’actions (sur un total de quarante). Leurs pratiques ont été examinés par le cabinet Vigeo Eiris, lequel a considéré que les réponses apportées par COURTEPAILLE et Accor Hotel n’étaient pas satisfaisantes.
- Le plan s’attaque à également à l’éducation et c’est une excellente mesure, car c’est dans l’enfance que s’ancrent les valeurs de respect notamment des droits humains et que les préjugés peuvent être combattus. Ainsi, parmi les 80 mesures proposées par le gouvernement, chaque élève devra bénéficier d’une visite d’un lieu historique ou mémoriel en lien avec le racisme, l’antisémitisme ou l’anti-tsiganisme », au cours de sa scolarité. Des contenus spécifiques seront également dispensés au cours du service national universel (SNU) ou des services civiques. Enfin, la formation continue des enseignants sur le sujet sera renforcée, avec un rendez-vous tous les cinq ans.
- En ce qui concerne la fonction publique d’État (forces de sécurité, agents d’accueil Pôle emploi…), chaque agent sera progressivement formé, dont 731 000 agents dès cette année. Le gouvernement créera des peines aggravées en cas d’infractions non publiques à caractère raciste ou antisémite commises dans l’exercice de leur fonction par des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public.
- Afin de promouvoir la citoyenneté numérique, le plan prévoit d’impliquer les plateformes et les influenceurs, dans un travail collaboratif pour élaborer des outils visant à améliorer les comportements des internautes.
- Autre mesure : l’écoute et l’accompagnement des victimes constitue l’une des priorités du plan.Le gouvernement souhaite ainsi sécuriser le dépôt de plainte. Ainsi, les forces de l’ordre seront incitées à améliorer le recueil et le traitement de celles-ci, via une anonymisation partielle ou grâce à une grille d’évaluation, afin de « mieux qualifier les faits lors de la prise de plainte. La possibilité » d’émettre un mandat d’arrêt en cas de condamnations à caractère raciste ou antisémite, de contestation de crime contre l’humanité ou d'apologie de crime contre l’humanité ou de crime de guerre devrait également être inscrite dans la loi. Cette mesure correspond à une attente de l’opinion française : huit Français sur dix considèrent que la principale mesure pour lutter contre les discriminations doit être d’abord le renforcement des sanctions juridiques en Europe contre les employeurs coupables (baromètre Harris Interactive pour Maison des Potes, octobre 2022).
La Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) s’assurera du suivi des actions du Plan national contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Un comité de suivi semestriel contrôlera le déploiement des mesures et leur impact sur le quotidien des citoyens. Le plan sera également évalué chaque année par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
Discours de la Première ministre :ici
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