C’est ce qui ressort du Rapport annuel 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France, du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes présidé par Sylvie Pierre-Brossolette, publié ce 23 janvier 2023. *
En effet, cinq ans après #MeToo, les inégalités entre les femmes et les hommes dans toutes les sphères de la société sont reconnues massivement : 93 % estiment que les femmes et les hommes ne connaissent pas le même traitement dans au moins une des sphères de la société (travail, espace public, école, famille…). Seule 20 % de la population estime que les femmes et les hommes y sont égaux en pratique.
Le vécu du sexisme au quotidien
Ce vécu du sexisme au quotidien est largement partagé par les femmes : 80 % d’entre elles ont déjà eu l’impression d’avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe, que ce soit dans la rue et les transports (57%), le foyer (49%) et dans le monde du travail (46%), mais ce score ne s’élève qu’à 37 % pour les hommes…
Une majorité restitue des situations de « sexisme ordinaire » : 57 % des femmes ont déjà subi des blagues ou remarques sexistes. Au sein des catégories socio-professionnelles supérieures, il s’agit même de 2 femmes sur 3.
Dans le monde du travail, 23 % des femmes ont vécu un écart de salaire avec un collègue homme à poste égal ou à compétences égales et 13 % une discrimination à l’emploi (34 % et 21 % pour les cadres).
Un sexisme qui conduit les femmes à des renoncements quotidiens
9 femmes interrogées sur 10 affirment anticiper les actes et les propos sexistes des hommes et adoptent des conduites d’évitement pour ne pas les subir. Ainsi, elles renoncent à sortir et faire des activités seules (55 %), à s’habiller comme elles le souhaitent (52 %), veillent à ne pas parler trop fort ou hausser le ton (41 %), ou encore censurent leur propos par crainte de la réaction des hommes (40 %). Près d’une femme sur 5 (18 %) rencontre des difficultés à prendre la parole au sein d’un groupe. 8 femmes sur 10 craignent de rentrer seules chez elles le soir.
Cela induit une perte de confiance en soi des femmes et entraîne des conséquences concrètes sur leur vie quotidienne et leur parcours professionnel. Par exemple, 35 % des actives n’ont pas osé demander une promotion ou une augmentation (44 %, pour les CSP moins).
L’adhésion aux stéréotypes sexistes est encore forte, notamment chez les hommes
Si la conscience partagée d’inégalités entre les femmes et les hommes dans la société est bien réelle, les situations sexistes du quotidien, « banales », « insidieuses », voire « bienveillantes », sont partiellement acceptées par l’ensemble de la population. Comme le souligne le rapport du HCE et à titre d’exemple, seulement 49 % des femmes et 37 % des hommes estiment problématique qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille. Un tiers de la population (27 % des femmes et 40 % des hommes) déclare qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants. 65 % des femmes et 77 % des hommes (82 % pour les hommes de 65 ans et +) pensent que les hommes doivent protéger les femmes.
Le Baromètre Sexisme met en exergue un clivage important entre femmes et hommes. Cers derniers sont beaucoup moins nombreux que les femmes à constater l’inégal traitement des femmes par rapport aux hommes et à considérer les situations et clichés sexistes comme problématiques. Ainsi, 54 % des hommes considèrent que les hommes et les femmes sont traitées de la même manière dans les médias contre 32 % des femmes. Ou encore, 57 % des hommes considèrent qu’un homme qui commente la tenue vestimentaire d’une femme est problématique contre 77 % des femmes. Les hommes interrogés refusent en grande partie de considérer qu’il existe un problème structurel et ils sont 7 sur 10 à considérer qu’on généralise en considérant que « les hommes sont tous sexistes ».
Un plan d’urgence massif proposé par le HCE
Face au constat préoccupant d’une société encore marquée par une culture sexiste et ses manifestations, le HCE propose un plan d’urgence massif, qui s’attaque à la fois aux mentalités et à leurs effets néfastes, et qui propose des pistes d’amélioration pour des pouvoirs publics plus performants.
Le HCE réclame notamment avantage de sévérité pour toute entreprise ou institution qui ne mettrait pas en place de dispositif efficace en passant « d’une obligation de moyens à une obligation de résultats pour les politiques d’égalité ». Il faudrait exiger des mesures déjà mises en œuvre dans le secteur public (réduction des écarts salariaux, dispositifs de lutte contre le harcelement moral ou sexuel), qu’elles soient étendues au secteur privé et évaluées sous trois ans. L’index égalité doit s’étendre au secteur public et les sanctions doivent aller jusqu’à 1 % de la masse salariale en cas de non-respect des mesures. Enfin, il faudrait adopter des critères d’ « égaconditionnalité » dans l’ensemble des aides et financements publics pour qu’aucun argent public ne soit distribué sans contrepartie en matière d’égalité ; systématiser l’élaboration de budgets genrés.
* « Baromètre Sexisme » mené avec l’institut Viavoice auprès d’un échantillon représentatif de 2 500 personnes âgées de 15 ans et plus.
Pour accéder au rapport : ici