Pour Ken Loach, cinéaste qui se considère comme « le travailleur social du cinéma britannique », membre du parti d’extrême gauche RESPECT, ami d’Olivier Besancenot, l’économie anglaise repose sur un système de pure exploitation. Voilà qui est dit. « It’s a free world », son nouveau film que je viens de voir, ne déroge pas à ce principe.
Le Londres de Ken Loach, ce sont des trottoirs et vitrines impeccables, avec des trentenaires impeccables se préparant à mener une vie impeccable. Mais derrière les façades, nous retrouvons aussi un Londres victorien, crasseux, mafieux, piteux où les immigrés, clandestins ou non, ont remplacé les ouvriers surexploités de la fin du XIXème.
Angie, l’héroïne de Free World, est une jeune et jolie trentenaire qui décide de créer son entreprise d’interim. Très vite, elle se croit contrainte de faire un choix : rejoindre le club des winners du système ou basculer du côté des loosers. Issue d’une longue lignée de prolétaires (incarné par le père), injustement licenciée de son travail précédent, elle se sait menacée à tout instant par un descente dans l’échelle sociale, à moins d’adopter sans complexe les règles sauvages du marché.
C’est ainsi que par un sinistre jeu de balancier, Angie se range du côté des exploiteurs d’immigrés clandestins corvéables à merci, alors qu’elle était auparavant porteuse d’une vague éthique professionnelle.
Loach dépeint ici une société rongée par le cynisme, l’argent, la peur de chuter. Sans doute a t-il raison, mais cet univers semble figé dans le désespoir, comme si les personnages étaient définitivement prédestinés. Comme si la politique n’avait définitivement plus lieu d’être.
Evidemment, en appuyant comme il le fait sur l’aveuglement d’un système libéral mortifère, Loach argumente en creux – et en bon révolutionnaire - pour l’avènement de la dictacture du prolétariat.
Autant « It’s a free world » est un film qui sonne juste dans sa description du cynisme mercantile, de l’insupportable exploitation des travailleurs clandestins, autant il est critiquable dans sa façon d’éluder totalement – j’allais dire idéologiquement - l’action politique, l’action associative et l’action d’un certain nombre d’entreprises, petites ou grandes, qui témoignent de leur volonté de réguler le système. Non monsieur Loach, les entreprises européennes ne veulent pas forcément le « laisser-faire » ultra-libéral. Ce serait même plutôt l’inverse…
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