Malgré l'implication des entreprises pour promouvoir la #diversité et l’#inclusion et prévenir le #racisme au travail, les résultats ne sont malheureusement pas à la hauteur de nos attentes et des enjeux. L’égalité des chances au travail est pourtant prioritaire ou importante pour salariés français selon toutes les enquêtes récentes (1) ! L’étude récente de @Glassdoor menée en septembre 2022 en cohérence avec d’autres enquêtes sur cette même thématique révèle que près d’un salarié sur trois se déclare victime ou témoin de discrimination raciale et/ou ethnique en entreprise…Alors que faire ? Au niveau de la culture de l’entreprise ? Du recrutement ? De la gestion de carrière ?
Un racisme bien présent en entreprise
Selon cette enquête de @Glassdoor de septembre 2022 (2) :
- 31 % des employés français déclarent avoir été victimes ou témoins de discrimination raciale et/ou ethnique en entreprise (soit 3% de plus qu’en 2019)
- 24 % déclarent avoir été victimes ou témoins de ces mêmes discriminations à l’embauche, et la même proportion dans le cadre d’une promotion.
- Certes, les résultats de l’étude conduite également par Glassdoor en 2019, montraient une situation plus inquiétante aux Etats-Unis avec un taux de 42% d’adultes employés victimes ou témoins de racisme sur le lieu de travail ; le taux est équivalent au Royaume-Uni et étonnamment bien inférieur en Allemagne (21%).
- Interrogés sur les conséquences professionnelles de ces discriminations, 68% des répondants estiment que les opportunités de carrière des employés sont affectées par la discrimination raciale et ethnique.
- Une autre étude de Glassdoor en avril 2022 (3) sur la transparence salariale avait révélé que 51 % des salariés estimaient que leur employeur pourrait faire davantage d’efforts pour diminuer les écarts de salaire liés à l’origine ethnique. 29 % des personnes interrogées considéraient que l'écart s'était élargi pendant la crise sanitaire et 52% pensaient que davantage de transparence salariale pourrait aider à combler cet écart.
Cette étude de Glassdoor confirme les résultats de l’Eurobaromètre sur les discriminations en Europe, publié en 2019 et qui montre que le premier critère de discrimination perçu en France est bien la couleur de peau (80%). (4)
De même, le premier motif de saisine dans l’emploi privé est l’origine/race/ethnie dans le cadre des saisines sur la plateforme antidiscriminations.fr en 2021 du Défenseur des droits (5).
Enfin, si l’on constate une baisse depuis vingt ans de la part des Français qui se considèrent eux-mêmes comme racistes, ce fléau est loin d’être éradiqué : 15% se disent encore racistes, 3% plutôt racistes et 12% un peu racistes, selon le dernier rapport de la CNDCH publié en 2022. L’institution estime même qu’1,2 million de personnes seraient victimes chaque année d’au moins une atteinte à caractère raciste dans notre pays (au travail ou dans d’autres domaines) (6).
En revanche, selon 11è Baromètre national de perception de l’égalité des chances du Medef, publié en 2022, pour les personnes qui craignent d’être victime de discrimination sur le marché du travail, le critère de l’origine sociale n’arrive qu’en cinquième positon, celui de la couleur de la peau, en septième position et celui de l’appartenance à une nation ou à une prétendue race au dixième rang, loin derrière les critères de l’âge, de l’apparence physique, du diplôme ou du sexe (F/H) (7).
…Alors que les efforts des employeurs sont reconnus par les salariés
Et de manière paradoxale, malgré une perception forte du racisme au travail, près de deux tiers des répondants (67 %) estiment que leur entreprise fait « suffisamment » d’efforts pour employer des personnes d'origines diverses à des postes managériaux (contre 75 % pour tous les postes confondus).
Toujours selon l’enquête de Glassdoor, 61 % des répondants pensent que leur employeur se préoccupe de la diversité et de l'inclusion, et 47 % qu'il communique davantage sur les efforts déployés pour améliorer la diversité et l'inclusion en comparaison à 12 mois plus tôt.
Alors, quelles solutions ?
Tout d’abord, parmi les leviers qui s’offrent à l’employeur, celui de l’évolution des mentalités est majeur, car il conditionne les comportements au quotidien et à tous les niveaux de l’organisation, y compris dans les actes de management. Les actions concernant le recrutement et la gestion de carrière sont également primordiales.
Que faire pour changer les mentalités et la culture de l’entreprise ?
Pour cela, la direction se doit de sensibiliser les équipes à la prévention du racisme et des stéréotypes relatifs à l’origine ou la prétendue race, par des programmes de communication et des sessions de formation. Ils ont pour finalité de créer un environnement inclusif propice à ce que chacun puisse donner le meilleur de soi-même, quelle que soit sa différence, notamment d’origine.
Elle peut aussi mettre en place une cellule d’écoute à destination de ses employés, afin d’alerter et de traiter les situations de racisme et, le cas échéant, de les sanctionner.
Par ailleurs, le lancement d’initiatives pour faire émerger des rôles modèles fondés sur l’origine ainsi que des alliés en France, à l’instar d’initiatives dans d’autres pays aurait pour vertu de valoriser des parcours de réussite et d’offrir de réelles figures d’identification. Ainsi, outre-Manche, le projet « EMpower Ethnic Minority Executives » lancé par INvolve célèbre chaque année 100 cadres supérieurs issus de minorités ethniques.
Enfin, il importe que les directions prennent le pouls de ce racisme en entreprise au moyen d’enquêtes sociales internes, mesurent ainsi les progrès accomplis et agissent en conséquence.
Que faire au niveau du recrutement ?
Les directions d’entreprises lancent de plus en plus des formations à la non-discrimination pour les managers et qui prend en compte bien évidemment le critère de l’origine. Ces programmes sont orientés vers le cadre légal, l’objectivation des dispositifs d’évaluation centrés sur la compétence, ainsi que vers la sensibilisation aux stéréotypes.
Si la non-discrimination dans ses processus d’embauche est un prérequis, cette seule approche est insuffisante, car elle a souvent tendance volontairement ou involontairement à reproduire des profils « standards », avec les mêmes parcours, provenant des mêmes écoles et qui sortent peu des sentiers battus. C’est pourquoi une démarche volontariste pour diversifier les profils des candidats s’impose. Sa mise en œuvre n’est pas simple quand il est question de l’origine ethnique ou raciale.
Les récents débats aux Etats-Unis à la suite du réexamen de la discrimination positive dans les universités américaines par la Cour Suprême illustrent bien les conflits idéologiques quant au volontarisme que l’on doit accorder pour prévenir les discriminations raciales. En France, comme dans tous les pays de l’Union Européenne, la discrimination fondée sur le critère de la prétendue race est heureusement illégale, mais la loi ne garantit pas pour autant l’égalité réelle de toutes et tous…
Le choix de notre pays pour ce qui concerne les traitements préférentiels pour lutter contre la discrimination fondée sur l’origine est basée indirectement sur les territoires, en ciblant les quartiers défavorisés, et non la couleur de la peau ou l'origine, toute catégorisation et statistique ethnique étant illégale, à la différence des Etats-Unis (les résidents américains doivent déclarer leur "race" aux agents du recensement dans le but de lutter contre la discrimination). Cette démarche permet de prendre en considération le critère du territoire dans les recrutements de manière volontariste. Elle autorise les employeurs à cibler certains profils dans leurs recrutements. Par ailleurs, le dispositif des emplois francs permet aux employeurs de bénéficier d’une aide financière pour l’embauche de toute personne sans emploi résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. A titre d’exemple, en dix ans, la SNCF a recruté près de 8 000 jeunes issues des quartiers de la politique de la ville et en 2020, ceux-ci représentaient 9% de ses collaborateurs recrutés. En France, un cabinet comme Mozaïk RH apporte son rôle d’intermédiaire notamment pour « sourcer » des candidats issus de ces quartiers.
Enfin de plus en plus de grands groupes intègrent dans leur marque employeur et leur communication de recrutement cette thématique. A titre d’exemple, BNP Paribas sur son site emploi carrière, propose trois visuels de professionnels dont une personne noire. Orange sur son site Orange.job.fr présente des « histoires vraies » avec des témoignages de collaborateurs de toutes origines : Kaoutar, Shahla, Solal, Maryam ou Nassim, une manière pour les candidats de se reconnaitre dans leurs diversités.
Que faire au niveau de la gestion de carrière ?
Cette pratique aujourd’hui qui s’est banalisée dans le recrutement pour « sourcer » des candidats dans certains territoires n’est pas envisageable dans la gestion de carrière. Parmi les entreprises que j’accompagne dans leur politique Diversité & Inclusion, certaines organisations constatent intuitivement un plafond de verre pour certaines minorités « raciales et ethniques », sans pouvoir les comptabiliser. Si ces entreprises déplorent l’absence de ces minorités dans le management en général ou dans les instances de direction, elles sont démunies quant aux actions à mettre en œuvre pour corriger cette sous-représentation. Agir pour prévenir le plafond de verre pour les femmes est devenu une évidence pour de nombreuses organisations, que ce soit par une vigilance accrue lors des people reviews et des plans de succession, en instaurant des accès prioritaires à certains parcours de formation ou de développement professionnel et de mentoring.
Pour l’entreprise, puisque les programme de traitement préférentiel fondé sur l’origine ou la prétendue race sont illégaux, les directions d’entreprises ont peu de leviers d’action pour permettre aux minorités discriminées de percer le plafond de verre. Elles peuvent objecter que la seule prise en compte de la compétence parmi les critères d’évaluation de ses collaborateurs constitue la meilleure arme pour prévenir toute discrimination. Mais alors, si tel était le cas, pourquoi ces minorités sont-elles si peu représentées dans la hiérarchie ?
Parmi les leviers d’action, la seule sensibilisation de la ligne managériales à la prévention du racisme, notamment en rappelant le cadre légal et en éveillant les consciences aux stéréotypes n’est pas à la hauteur des enjeux et de la dénonciation du racisme en entreprise.
Et à ce rythme, combien de temps faudra-t-il pour atteindre l’égalité réelle ? Si l’on peut espérer que le développement des embauche dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville solutionnera indirectement les discriminations fondées sur l’origine et la prétendue race, dans le recrutement, ne devons nous pas imaginer des actions spécifiques de gestion de carrière pour les minorités victimes de discrimination raciale et ethnique, lesquels pourraient à l’instar des femmes bénéficier d’une attention spécifique lors des décisions de promotions ou des programmes d’accompagnement de mentoring, de coaching et de formation.
(1) L’égalité des chances en entreprise est prioritaire ou importante pour 9 salariés français sur 10 selon le 11è Baromètre national de perception de l’égalité des chances du Medef, 202
(2) Étude One Poll pour Glassdoor menée du 16 au 20 septembre 2022, auprès de 1 000 employés français âgés de plus de 18 ans et salariés à temps plein.
(3) Étude One Poll pour Glassdoor menée du 30 mars au 1 avril 2022, auprès de 1 000 employés français âgés de plus de 18 ans et salariés à temps plein.
(4) Eurobaromètre spécial 493, Discrimination dans l'Union européenne, mai 2019 (1.007 interviews en France), Publication de la Commission européenne de l’Eurobaromètre spécial sur la discrimination, qui examine comment les Européens perçoivent la discrimination sur la base de la religion, de la couleur de la peau, du sexe ou de l'orientation sexuelle.
(5) Rapport annuel d’activité 2021, Défenseur des droits, juillet 2022
(6) Rapport sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie de la CNCDH, juillet 2022
(7) 11è Baromètre national de perception de l’égalité des chances du Medef, 2022